Alice

(le lapin blanc)

Bang bang – eh ! – quelle est cette météorite écervelée aux lèvres rouge ketchup, chevelue et sotte, elle rote dans mes couloirs rangés. Avec sa béance de dents plus blanches que les miennes, cette pin-up gratte et râpe tout sur son chemin. De quel film d’horreur sort-elle enfin ? Sa jupe donne une leçon de twist, crisse, glisse le long de mes reins terreux, les ondes de choc de son tsunami explosent mon terrier mon terroir mon territoire, l’étrange étrangère inonde le couloir que j’ai creusé pour mon enterrement fictif. Qu’elle parle plus bas, ou le juke-box va planter, mon gousset va exploser, mais je suis en retard, je suis en retard, la reine ne dit jamais « j’attendrai », maudites chaussures poilues, qu’au moins elle me porte cette engourdie, j’ai décidé de vivre, moi, MADAME, et cet air mouillé sans nuances me file le bourdon, la défenestration a raté, le rêve a muté, les rivages virent en mirages, bords euphoriques d’une glissade, d’une chute tout au plus, peau blanche ambigüe, le désir de cette fillette trop lisse a affolé le scénario d’une rêverie sage, maudite CriATcheure, la géographie se plie sous ses pensées, plie mon temps dans un vertige de tuyauterie où les focales bégaient. Puis, un quelconque ‘Bois-moi’ pour en arriver là : un pied dans ma cheminée, un coude contre ma porte, des yeux dans mes fenêtres, la jupe sur mon plafond, la langue montée à l’étage, une main aveugle qui tâtonne, elle pourrait tout découvrir dans mes armoires sans poussière, elle grandit, ma vie rangée fléchit, la génuflexion demande beaucoup de concentration et de précision. J’aperçois ma propre vie projetée sur les murs de la maison. Ensuite, l’évidence d’une pensée claire dans le cortex frontal droit : ‘ce n’est pas une plante d’intérieur. Sa durée de vie serait réduite si elle devait pousser en permanence à la maison’. Sa posture et ses contours m’indisposent. Taper ‘return’ serait plus simple. C’est fini la comédie. Sa folie me déborde, les éclats de gâteaux secs la rendront frêle à nouveau, je démonte les émotions, je repars sur le marching band qui mène à la reine-mère.

Feindre de l’ignorer.

Nos couleurs discordent, nous avons raté la dernière conversation logique, le dépannage forcé me largue dans le costume de scène. Qu’elle ne tire pas sur le fil ou la réalité s’effiloche. Appellerons-nous cela un détail ? Nous ne sommes pas dans un conte de fée en bois. Retrait précipité pour non-conformité. Film inexistant resté dans une boîte. Un procès comme résolution de conflits simulés. On lui lance un appel à témoignage pour une lettre non écrite. Elle devient l’interprète de mots ouverts, jusqu’au sang peut-être. Les cartes en plastique synthétique prétendent dire l’avenir, elles aplatissent la dignité, alors je souris comme le chat, mais mon sourire ne disparaît jamais, façade contre la dictature des têtes tranchées, plâtre couvrant le désir, d’où il devient difficile de déglutir la vie. Mes longues oreilles insomniaquées ont laissé glissé ses mots sans rien en saisir. La bipède hollywoodienne vacille les bras comme des moulins, monte en température, lance la soufflerie.

La fille d’artifice sent le renfermé.

L’horizon est absent du terrier.

Elle a tapé ‘return’.

 

(le ver à soie)

Il y a la fumée. La fumée monte en anneaux. Chaque anneau suit le précédent. L’anneau numéro un se fiche de l’anneau numéro deux. L’anneau numéro deux se fiche de l’anneau numéro trois, etc. Ainsi vont les pensées du haut de mon cryptogame. S’agit-il de se trouver quelque part plutôt que nulle part ? Je pose des questions. Je n’attends aucune réponse. Je veux entendre les questions résonner (raisonner). C’est par là que je débute les conversations. C’est là qu’elle apparaît.

La créature à la lourde chevelure jaune fait toujours le même rêve. Elle erre toujours dans la même robe. Elle change toujours de taille. Elle veut toujours savoir qui elle est. Elle veut toujours savoir qui elle pense qu’elle est. Elle veut toujours comprendre ce qu’il n’y a pas à comprendre. La Duchesse menace toujours de lui trancher la tête. On tranche toujours la tête aux filles étincelantes.

Elle passe toujours de la certitude à l’incertitude. Elle pense toujours qu’elle est facile. Elle s’efforce toujours de supporter les inconvénients. Elle cherche toujours à obéir. Elle pleurniche toujours en espérant se noyer. Elle accepte toujours des pensées insensées. Elle pense toujours trop. On tranche toujours la tête aux filles étincelantes et faciles qui pensent trop de pensées insensées.Elle répond toujours de manière insolente, même en esprit. Elle croit toujours objecter gentiment, ça la rend encore plus insolente mais elle se croit toujours sage. Elle pose toujours des questions quand toujours elle ne devrait répondre qu’aux questions qu’on lui pose. Elle ne peut s’empêcher de toujours heurter toute convenance malgré elle. Elle ne cesse de toujours vexer ses interlocuteurs. Elle en vient toujours à se sentir déconcertée. Elle s’habitue toujours à tout. Elle comprend toujours après coup. Elle ne connaît toujours pas d’histoire à raconter. Elle réclame toujours le droit de réfléchir. Elle change toujours de conversation. Elle joue toujours sur les mots. Elle croit toujours à la grammaire. Elle connaît toujours les noms des êtres et des objets. Elle cherche toujours le sens de quelque chose. Elle se souvient toujours de peu de choses. Elle fait toujours preuve de trop d’intelligence pour son âge. On ignore toujours exactement son âge. Elle croit toujours raisonner ‘comme il faut’. Elle passe toujours soudainement de la joie à l’effroi ou de l’effroi à la joie. On tranche toujours la tête aux filles étincelantes quand elles pensent, quand elles rêvent, quand elles cherchent, quand elles jouent, quand elles vivent trop.Elle fait toujours preuve d’un esprit obtus et naïf. On en vient toujours à la traiter de ‘fieffée bêtasse’. Elle récite toujours des vers ineptes. Elle cherche toujours à se montrer prévenante, elle veut toujours aider n’importe qui : elle veut cesser de se sentir toujours seule. Elle croit toujours qu’à la maison on écoutera ses aventures. Elle croit toujours qu’on la croira. Elle croit toujours qu’elle rentrera chez elle. Elle croit toujours qu’elle vit vraiment ce qu’elle voit. Elle croit toujours que ce qu’elle voit existe. Elle court toujours sans direction. Elle veut toujours arriver quelque part. Elle arrive toujours à se perdre sur la route ou dans sa tête. Elle voudrait toujours s’enfuir. Elle finit toujours par partir.

Agnès des Ligneris

NEKOSITA

Le périple de l’oubli

NEKOSITA, née d’une image du « moi » dans son corps, habitante du monde gonflable à peau éclatante avec la fée qui pince, l’ordre qui brûle, la joyeuse plaie, la responsable arrachée, le crime écarlate. Je pense que c’est surtout avec la joyeuse plaie, celle qui suit toujours la moindre guérison pour l’agresser, c’est pour cela que l’on parle de crime écarlate, j’ai encore les marques des blessures qui brillent comme des soleils volés, on peut aussi dire « marques volantes », j’ai toujours rêvé d’ailes. Elle me voyait comme une silhouette qui animait le rouge de sa chair, sa tendre chair. Il y avait des indices, des pointes épicées de sang, le début d’une profondeur sans départ ou le départ insensé d’un néant, je me suis souvent posée cette question : pourquoi commencer quelque chose de terminée ? Sûrement par peur de la fin ou d’avoir faim d’une histoire déjà racontée car j’existe depuis longtemps, autant de temps que mon absence. On pourrait dire NEKOSITA ou son moi oublié mais on dit NEKOSITA.

NEKOSITA comme une bête féroce, forte, difficile à apprivoiser, je penche vers le pleins du vide, le l’envers du l’endroit, l’endroit d’un nulle part. Elle s’enfonçait dans l’optimisme, je me noyais dans mes pulsions, mes pulsions inoffensives. J’embrassais les mensonges pour tromper mes pensées, je les perçais, scarifiais, réveillais, taquinais, on aurait peut être du ne jamais se posséder, se précéder, s’attraper, se manquer de respect pour conserver le rejet. Je sentais mes poils se tirer puis je les voyais tomber dans un escalier en forme de tourbillon. Nous nous arrachions la vue et cognions nos canines pour s’entendre, j’aimais écouter cette gifle et suffoquer à l’idée d’un éventuel devenir pour ne plus savoir ce qu’elle devient aujourd’hui. Elle court après la protection poursuivie par un brouillard de vulves fantômes aux multiples odeurs, corps, ce ne sont peut-être pas des vulves mais des créatures. Elle se raconte des histoires pour s’aider à parler. Je m’imaginais bien hurler avec elle, mon aile sadique, j’étais sûre de notre cri, rugissement, alerte, éclat, l’abandon des nerfs saturés comme Saturnerfs, c’est le nom de la colère qui s’est emballée d’une peau interdite. Je volais vers d’autres pieux propulsée par une inconnue déjà rencontrée et demeurais confuse à la vue de ses gestes. Je revoyais ces petites créatures jaillissant devant moi qui disaient vouloir des ailes de chauves-souris, j’espérais alors qu’elles ne lui piqueraient pas. Dans la forêt des arbres comédiens dont les branches asséchées et timides se rentraient dans les trous du tronc, étions-nous submergées d’émerveillement qui dura tout le temps de cette rencontre avec le peuple de la végétation sorcière qui nous jetait les dernières feuilles de l’automne pendant la saisons des chimères inconnues ?

NEKOSITA comme le violet qui me piquait les veines, je préférais le rouge coulant, ces petites gouttes qui erraient près de ses griffes, elles détendaient ses pattes tremblantes de frustration. Dans un petit trou logé dans l’un de ses bras se cachaient quelques apparitions nerveuses d’une torture restée immobile depuis l’enlèvement d’un de ses organes, sur sa peau se formaient des vagues avec des yeux d’araignée qui tournaient sur eux-mêmes, c’était un signal de mécontentement. Elle se mit à jeter des os qui d’habitude lui servaient à fabriquer le liquide à morsure dont les bulles expulsaient des mots qui chantaient des mensonges dans tous les sens de l’épiderme. Elle n’était plus seule dans la grotte égorgée de la glotte, elle était épuisée par le repos de sa mâchoire donneuse d’énergie qui nourrissait tant de femmes-chimères, les Fémichirmias. Elle les mordait au début et jusqu’à la fin de chaque orgasme; ce rituel les berçait dans l’extase d’un bouleversement physique intense, on pouvait voir leurs peaux changer de couleur et de couloir ainsi que leurs yeux, elles se transformaient enfin. NEKOSITA ne s’en rendait pas compte et une fois l’espoir réalisé, elle se dit qu’elle eu bien raison de pénétrer son insatisfaction foncière. Chaque femme qu’elle regardait voyait son corps changer, des formes animales se montraient, certaines d’elles avaient des réactions à la limite de l’hystérie et gémissaient, tapaient sur le sol pour montrer leur fierté d’être aussi rapide qu’un serpent, d’avoir des canines de louve, des ailes de chauves-souris, elles sont très importantes ces ailes. NEKOSITA aimait que ses amies la touchent lorsque son corps la brûlait, elle s’élevait comme une corolle écrasée, la douleur disparaissait et Saturnerfs aussi. Il fallait supprimer les souffrances volantes pour que les Fémichirmias ne soient pas contaminées alors NEKOSITA continuait à les surveiller de ses dents même en dehors de sa grotte. Parfois elle s’exprimait avec sa langue en la secouant ou exposait sa glotte, il fallait l’observer. Elle levait la tête et ses yeux jaunes et vert éclairaient ceux des combattantes, elles devenaient de plus en plus rapides et se faufilaient partout, NEKOSITA les cherchait et comprenait petit à petit que certaines sortaient de la grotte sans la prévenir, elle les laisser faire, elle devait les laisser voir l’extérieur comme leur intérieur, c’était leur nourriture, la base vibrante de leur poumons.

NEKOSITA comme pour se consoler en se demandant si les sorcières chasseuses de temps arriveraient à l’heure, si le retard prendrait son temps. Suffirait-il de palper les mots ou plutôt de les saisir avant de cracher la fièvre, de vomir les souvenirs consumés car ce qui effraye NEKOSITA c’est l’oubli et ne pas savoir qu’elle en fait partie. Elle marchait sur le chemin qui n’a jamais existé, avancer voulait dire oublier et oublier la forçait à se poser des questions. Si le temps était sérieux, qu’en serait-il de la joie, celle qui fait vivre plus longtemps  mais NEKOSITA n’avait pas d’âge, elle n’en aurait jamais. Elle pensait que personne n’avait le vécu de son âge ni l’âge de son vécu, que l’oubli n’avait pas d’identité à part celle des traces qui disparaissent. Elle supportait son caractère comme elle devait supporter l’ignorance de ses guerrières qui grandissaient et la dominaient de plus en plus. Elle caressait ses faiblesses avec détermination pour les rendre plus légères, elles se remplissaient de pus. Elle croquait ses griffes croyant les affûter, celles-ci se cassaient et se plantaient sous la peau. Elle se plaquait, se pliait, se courbait, se cognait pour ne plus bouger. Je m’étirais les pensées, je voyais une raie-ponsable qui semblait dire que NEKOSITA devait fuir les bouches désarticulées des piqueuses, cracheuses, hurleuses. Elle précisait souvent qu’elle n’était pas une coureuse car elle n’aimait pas avoir peur que les choses lui échappent et qu’elle s’en irait ; alors ma belle sauvage s’exila. Tout en prenant ses distances, elle faisait des bruits de grincement qui venaient de sa gorge, elle se rappelait cette Saturnerfs et constata qu’elle la suivait toujours. Fallait-il la gronder ? Elle n’avait plus de voix. Fallait-il la pousser ? Elle n’avait plus de muscles alors il fallut qu’elle s’arrête et qu’elle la regarde, la fixe et pointe de ses yeux pénétrants la haine qui coagulait en elle. Si Saturnerfs s’en était retournée à ses coups, cela aurait été plus simple, NEKOSITA aurait pu se calmer et se reposer près des cordes qui étaient non loin du chemin qui n’existait pas et qui n’existera jamais. Elle resta courageuse et se perdit de frissons en frissons. Lorsqu’elle dormait, ses jambes et ses bras se mêlaient aux cordes, elle se mettait donc à sauter mais sous l’emprise de la fatigue, elle culbutait les arbres et se blessait. Elle aurait pu crier pour que les Fémichirmias viennent l’aider mais elle préféra se battre seule, il lui restait quelques défenses mais n’ayant plus d’énergie, elle n’avait pas la force de les faire bondir. La dernière chose qu’elle pouvait faire avec fermeté était de hurler ses entrailles encore une fois, elle ne l’eut su qu’après cinquante-trois plaies et quarante-cinq hématomes alors elle cria, elle cria tellement fort qu’elle s’en époumona. Elle crachait du sang en forme de petite pépites, elle les prit et les dispersa autour d’elle en guise de protection mais ça n’allait pas durer longtemps puisque le temps n’existe plus. Elle vit alors une avalanche de couleurs dans le ciel où s’élevèrent les Fémichirmias, elle découvrait son armée au complet, certaines lui firent comprendre par leur ronronnement qu’elles seraient nombreuses à tout moment en son absence. NEKOSITA était rassurée pour ses femmes mais n’oubliait pas le livre ouvert au chapitre fermé, il était bien trop lourd, bien trop dur et puissant, il fallait qu’elle laisse les Fémichirmias s’en occuper. Elle retourna près des cordes et se confondit parmi elles en pendant Saturnerfs. NEKOSITA était libre, suspendue mais affirmée, entière et à jamais révoltée.

NEKOSITA comme nous sommes entourées de vide ici, même de notre vivant. La douleur, nous la contrôlons. Alors est-elle vraiment partie ? Ce qui est certains c’est qu’elle a écrit, puisqu’elle a écrit, il faut la lire car elle a écrit en criant alors il faut l’entendre et si nous l’entendons, il serait bon de l’écouter. Elle n’est peut être pas partie finalement. Je recommence la fin car elle sert toujours de début. Nous tâtions la poitrine d’une des piqueuses qui s’était blessée. Pendant la course des cracheuses de chaleur enivrées par les chœurs des raies-ponsables qui devenaient de plus en plus sensuelles, étions-nous en train de rougir comme les pommes aux yeux fondus restées près du feu entre NEKOSITA et moi qui nous disputions à cause de Saturnerfs bien que ce soit le nom de sa colère morte ? Sous le préau fait de plumes de cacatoès qui sentait encore l’odeur de chair alors qu’elles n’ont jamais été arrachées, devenions nous blanches vertes violettes avec les cheveux carbonisés par les lames du jour ? A côtés des fleurs-papillons se trouvaient des flaques pleines de rancunes au pleurs agacés dont la berceuse fut censurée car elle rendait folles les Fémichirmias, n’étaient elles pas déçues de ne plus avoir de musique pour agrandir leur joie qui se faisait petite par peur d’être grondées ? Nous habitions sur la colline des trois souvenirs bannis, il était paradoxale que nous soyons accusées de mélancolie, nous n’avions jamais demandé leur présence et nous allions bien. Nous allions bien comme des étoiles vertes qui se frottaient en l’air sur les rochers. Crise cassante sur le chemin des quatre têtes perdues. Nous allions bien comme l’herbe miroir qui grimpait sur le dos de NEKOSITA pour lui faire un massage avec ses pinces. On voit des plantes qui luttent imprégnées de salive allumeuse de doigts qui les casse comme du verre sur le sol d’un arbre aux neufs spectres pointus. Nous pensions toujours ne pas être triste, les fleurs-papillons volent près de nos fessiers et nous chatouillent derrière les oreilles pour nous dire que le rire est à la fois une sorte de caresse et un coup de poing sans limite.

Les raies-ponsables ont aperçu des fugueuses qui jouaient près des artères plantées dans la rivière des tendons amoureux. On voit les sentiments comme des martyres, ils se râpent la peau, se tordent les lettres, se fissurent et deviennent des allumettes, des petites flammes si faibles car exclues par la raison tueuse de paroles avalées. Je plante les gardiennes de l’apaisement que nous attendions depuis les lumières sombres incolores menteuses dans le noir. Je sentais les vertèbres de NEKOSITA se secouer lorsque je me collais contre elle pour m’assurer qu’elle respirait aussi fort que son vécu plumé qui ne demandait parfois qu’à s’échapper lorsqu’elle était trop autoritaire. Elle disait ne pas aimer le mot « vécu ». Je préférais la pluie des ongles que l’on avait coupé car ils irritaient les vulves. Elle aimait les champs qui se soulevaient pour l’accueillir en soufflant des bulles au parfum d’agression. Je préférais les marguerites qui se greffaient à nos corps pour y faire des reliefs en forme de coquillage, ça nous protégeait du tonnerre qui errait dans les cachots, nous adorions les châteaux. Elle essayait de me convaincre que la vie était un long fleuve de bile insolente et qu’il fallait que je monte tout en haut de la tour principale pour que les vagues ne débordent pas dans notre antre. Je la lisais tous les jours et j’ai l’impression qu’elle tourne encore les pages, seule, en m’espionnant persuadée que je ne la vois plus. Elle ne sait pas que mes yeux se confondent avec les siens les miens les nôtres alors ignore t-elle que le mot de l’ordre qui brûle est « possession », que la fée qui pince est une masseuse, que la joyeuse plaie a pendu Saturnerfs et le fera pour les autres vicieuses, que les raies-ponsables ne sont pas responsables mais serviables, commères et aimantes ? En revanche, le crime écarlate n’existe pas sauf si ce périple se considère comme achevé, ce n’est pas le cas. Je n’ai toujours pas ouvert le chapitre, j’en vois la fente. NEKOSITA restera patiente du passé et passante effrontée.

Sortifugia                               Image

                                                                                                           Charlotte Baudet

On ne vit que deux fois

Comme si… le monde ne suffit pas

Élisabeth T. Vincenzo
Rouen, 7h15 du matin, 28 février 2013

France Info :

« Attendez, chers auditeurs on vient de m’annoncer qu’une course poursuite a lieu en ce moment même à Rouen. Retrouvons maintenant Gilles notre correspondant en direct du commissariat de police. Bonjour Gilles, avez-vous des informations sur ce qui se passe ?
– Eh ! Bien non Claire, tout ce que nous savons pour le moment, c’est qu’il y a une course-poursuite entre deux véhicules, une Aston Martin noire et une Audi gris métallisée. De nombreux témoins affirment avoir assisté à des échanges de coups de feu entre les deux conducteurs vers sept heures ce matin.
– Merci Gilles. Nous reviendr….
– Ah ! Nouveau rebondissement Claire, on vient de me transmettre à l’instant que les deux patrouilles de police qui s’étaient lancés à leur poursuite il y a dix minutes environ viennent malheureusement de perdre leurs traces sur le périphérique. Apparemment les deux véhicules se dirigent en ce moment même vers le centre-ville de Rouen.
– Eh bien Gilles quel suspense ce matin ! Chers auditeurs, nous reviendrons très vite sur ce début d‘affaire qui ne manque pas de piquant. Autre fait marquant, cette fois-ci à Paris, un vol a eu lieu en …»

Waouh ! J’hallucine sur le périphérique de Rouen et puis quoi encore ?! J’espère que je ne vais pas tomber sur eux, il ne manquerait plus que ça ! Dès fois, il vaut mieux rester chez soi. J‘aurais aimé rester au lit ce matin tiens. C’est dingue ce qui se passe en ce moment, que ce soit à la radio ou à la télé ça n’arrête pas. Les gens deviennent complètement barge… Bon ce n’est pas que je m’ennuie là, à ne rien foutre dans ma voiture mais je dois me rendre à la gare, à la gare pour prendre ce fichu train, histoire d’ arriver au boulot. Sinon mon sadique de patron se fera un plaisir de me foutre à la porte… Dix minutes plus tard. Non mais je n’y crois pas ! Je vais être virée à cause d’un bouffon qui ne sait pas remplir sa caisse pourrie d‘essence. Ah ! Putain d‘embouteillage ! Mes clés d‘appart ? Où sont-elles déjà ? Mais que suis-je bête, elles sont restés dans la poche de mon manteau. Va me falloir des vacances. Des vacances, oui ça me ferait du bien en effet. ALLER ! ALLER! Avancez, on ne va pas y passer la nuit bordel ! Faut que j’arrête de m’ énerver, cela ne sert à rien. Comment vais-je faire pour courir avec ma lourde pochette une fois à la gare ? HEIN ! TU PEUX ME LE DIRE COMMENT VAIS-JE FAIRE ? Si je loupe mon train je suis mal. AH ! Mais pourquoi est-ce que ça n’arrive qu’à moi. Calme toi Elizabeth. Je dois rester calme, c’était quoi déjà l’exercice d’Anna ? Ah oui, un je ferme les yeux, deux je respire ……… trois j’expire…………………… Respire……………………. Expire ……………………………..
…………………………………………. J’ouvre les yeux. Ah enfin ! Ils avancent.

 Rien que pour vos yeux

Alexander James
La Gare de Rouen
7h40, 28 février 2013

Enfin arrivé à la gare ! C’est reparti pour une nouvelle journée. Pour une fois que j’arrive un peu en avance en prenant le métro, cela relève du miracle, surtout ce matin. C’est bien beau de devoir porter un smoking pour le travail mais pour courir avec, cela reste très inconfortable. Mon regard s’attarde sur ma montre Rolex. Il est sept heures quarante-cinq, ça va j’ai encore un peu de temps devant moi. Avant de descendre les escaliers il ne faut surtout pas que j’oublie de valider ma carte d’abonnement de train. J’ai déjà failli recevoir une amende dans le métro il y a quelques minutes, il manquerait plus que j’en reçoive une par le contrôleur. Ce n’est vraiment pas le jour où il faut se faire remarquer. Ma carte d‘ailleurs, où est elle ? Oh ! je l’avais tout à l’heure pourtant… Le train pour Paris est dans dix minutes à peine. Elle est ni dans les poches de ma veste,… ni dans celles de mon pantalon. Génial ! Vraiment génial ! Elle était dans mon portefeuille et je n‘ai plus mon portefeuille… Là ! C‘est la cata. Comment vais-je faire ? Hum ! Mais comment vais-je faire ? Le hall de la gare commence à se remplir. Mes yeux se déplacent, ma tête pivote dans le hall de la gare. À son poste, j’aperçois une jeune femme assise derrière la vitre de son guichet. Il ne me reste plus beaucoup de temps avant que le train arrive. Bon eh bien ! Je ne vois qu’une solution.

-Bonjour Monsieur que puis-je faire pour vous ? Dit la guichetière très intimidée.
-Bonjour, chère Mademoiselle, excusez-moi de vous importuner mais j’ai un petit problème et j‘espère que vous voudriez bien m‘aider.
«Le train en provenance du Havre et à destination de Paris partira voie 2» Ah ! Cette Simone, fidèle à son poste comme toujours. Honnêtement, ils auraient dû vous choisir pour incarner la voix de la SNCF. Elle est beaucoup plus agréable à entendre le matin que celle de Simone.

Ses joues s’enflamment déjà et elle ne porte pas d’alliance, une aubaine pour moi.
Personne ne résiste très longtemps à mon charme, je savais que ce serait la meilleure arme dans ce genre de situation et effectivement c‘est le cas.
– Oh ! Eh bien merci cher monsieur, alors dites-moi monsieur quel est votre petit problème et en quoi puis-je vous aider.
– Chère mademoiselle, j’ai perdu mon portefeuille dans le métro, je n’ai plus de carte ni d’argent et je dois absolument prendre mon train qui arrive dans les dix minutes qui suivent. Du coup je ne sais comment faire.
– Comment vous reverrais-je si vous avez un absolument un train à prendre ? Dit-elle en me souriant.
C’est dans la poche, elle est séduite.
– Eh bien si vous m‘aidez, je vous reverrais sûrement demain matin.
Ses yeux pétillent.
– Il vous faut un billet Rouen-Paris c’est bien cela ?
– Oui charmante demoiselle, un aller-retour précisément avec horaires indéterminés si cela ne vous dérange pas je ne sais pas à quelle heure je reprends le train ce soir ou demain matin.
– Très bien.
Une minute plus tard… elle me tend les deux billets.
Je regarde la pochette des deux billets, un numéro de téléphone y est écrit, je la regarde, toute gênée elle me répond :
« -C’est seulement au cas où.
– Merci …
– Oh ! Sophie
– Merci Sophie, je vous souhaite une bonne journée.
– À vous aussi…

Restons incognito, cela vaut mieux

– My name is Andrew, James Andrew
– J’espère vous revoir très vite James
– Et moi donc. »

La grande aiguille de ma montre se rapproche du cinquante deux, il faut que je me dépêche il ne me reste plus beaucoup de temps. Le hall se remplit à vue d’œil. Billet composté. Il ne me reste plus qu’à le glisser dans la poche de ma veste intérieure.

J’ai eu de la chance. Car ce n’est pas vraiment pas le bon moment pour rester bloqué à Rouen. Ah ! Les femmes je vous jure toutes les mêmes. Tous les matins c’est le même rituel. Quand j’arrive à la gare, celles assises dans le hall me re-look de la tête jusqu’au pied. J’avoue certaines fois j’en joue. Je me rappelle, la semaine dernière, lorsque je suis arrivé sur le quai l’une s’était rapprochée de moi pendant qu’une autre me fusillait du regard. Comme si cela ne suffisait pas une femme assez âgée me suit depuis que je suis sorti du métro. Encore une qui va me coller jusqu’en bas des escaliers je le sens. Aujourd’ hui c’est carrément énervant je préfère rester seul. Cela me convient bien mieux je ne suis pas de bonne humeur de toute façon, il ne vaut mieux pas qu’elle essaie de venir me parler celle-là. Encore une femme qui regrette de s’être marié en me voyant. Je crois que je vais aller au fond du quai pour une fois ça va me changer de mes vieilles habitudes. J’ai besoin de m’isoler, surtout de me retrouver le plus loin possible de tous ses gens.

Ce petit moment de la journée est important pour moi, le seul à vrai dire où je peux réfléchir. La nuit dernière fut agitée. J’ai une vie active, trop active. Je ne sais pas pourquoi je m’obstine à vouloir continuer ce mode de vie. Je pense parfois arrêter mais j’y renonce, sans trop savoir où cela va me mener. Enfin si je sais, mais je… Je m’arrête à côté de l’horloge. D’habitude, je passe mon temps à observer l’arrivée et le départ de ces voyageurs pendant que je fume une ou deux cigarettes. Mon paquet s’est évaporé avec mon portefeuille ce matin, finalement ce n’est pas si mal. J’aime ce lieu, ici je me sens entre deux mondes, entre deux vies. L’aiguille tourne, il est sept heures cinquante-quatre. Tiens ! Fallait que j’y pense à l’instant pour que je la revois sur le quai debout, dos à moi. La femme qui me regardait avec un regard noir la semaine dernière a l‘air furax ce matin. En même temps plus chargée qu’elle tu meurs.

La voix de Simone résonne sur le quai, mes oreilles se réveillent : «Voie 2, le train en provenance du Havre, à destination de Paris St Lazare va entrer en gare, pour votre sécurité prenez garde à l’intervalle entre le marche-pied et le quai». Je me suis toujours senti seul quand j’y repense. Encore plus durant mon enfance qu‘en cet instant. Mes parents. Mes parents. Je me demande à quoi ils ressembleraient si. Si. Faut que je me concentre sur mon objectif. Allez, James oublie le reste sinon tu ne tiendras pas le choc. BOUM ! On me sort de mes songes, mes yeux suivent au ralenti la chute d’une lourde pochette à dessin. Puis viennent se poser sur cette jeune femme qui se retourne maintenant face à moi. Soudain la voix de l’inconnue s’élève de ce brouhaha mécanique.

 » Je ne suis vraiment pas douée  » dit-elle soudainement

Moi qui ai horreur de sourire, là je ne peux m‘en empêcher c‘est étrange. Oups ! Elle me regarde, détourne les yeux James, détourne les yeux. Arrête de sourire, elle te regarde, Oh non ! Arrête de sourire, mais pourquoi est-ce que je n’y arrive pas. Trop tard.. elle vient de me remarquer. Dois-je la regarder ou non ? Non, mais non ne la regarde pas, vu comment elle était furax en arrivant tout à l’heure elle va sûrement croire que tu te moques d’elle. Je n’ai pas envie de me faire remarquer en me prenant la tête avec une hystérique. Pourquoi continue-t-elle de me regarder ? Je peux le voir du coin de l‘œil, elle n‘a toujours pas ramassé sa pochette. Remarque si j’arrêtais de sourire ça aiderais aussi.

Heureusement pour moi le train vient d’entrer en gare, elle détourne les yeux par terre et se penche enfin pour la ramasser. Ouf ! C‘est la première fois que ça m’arrive, je ne savais plus où me mettre là. D’habitude je m’en moque royalement, de toutes ses femmes, c’est plutôt moi qui les mets mal à l’aise. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Ah ! James tu dois être très fatigué mon pauvre. Oui, Alexander je suis très fatigué ça doit sûrement en être la cause. Elle s’avance, se met derrière la file qui vient de se former à côté d‘une des portes du wagon. Je la regarde elle a l’air différente. Elle ne pousse personne avec ses affaires, au contraire elle laisse passer les gens. Bizarre ? De taille moyenne, brune, elle ne porte rien d’extravagant, hormis son côté furax, c’est à peine si on la remarque parmi les autres femmes finalement. Elle au moins ne se retourne pas vers moi sans cesse comme le font les quarante six autres qui attendent que je viennes les rejoindre dans le wagon en ce moment. Ah ! Là là, demain c’est décidé je vais dire à Ma chef que le port obligatoire du smoking est encore plus dangereux pour moi que le port d’arme.

Elisabeth T. Vincenzo
La Gare de Rouen
7h40 du matin, 28 février 2013

France Info :

« Bien, maintenant chers auditeurs retrouvons notre correspondant en direct de Rouen sur cette mystérieuse course-poursuite qui a eu lieu vers sept heures ce matin.
– Bonjour Gilles, avez-vous plus d’éléments sur cette mystérieuse affaire ?
– Eh ! Bien oui Claire, comme vous le savez, vers sept heures ce matin, plusieurs automobilistes affolés auraient lancé l’alerte après avoir assisté à des échanges de coups de feu entre les deux conducteurs. Deux patrouilles de police se sont ensuite lancés à la poursuite des deux véhicules signalés ; une Aston Martin noire et une Audi grise métallisé avant de perdre définitivement leurs traces sur le périphérique en direction de Rouen. L’une des vidéos des caméras de surveillance récemment installées sur le périphérique est en ce moment en train d‘être analysée par la police. Tout ce que nous savons pour l’instant, c’est que la portière du conducteur de l’Aston Martin aurait été arraché lors d’un accrochage avec un camion de marchandise. Aucun nouvel élément ne permet d’appréhender ces individus. En ce moment la police interroge le chauffeur du camion. D’ici quelques minutes nous en saurons davantage. Ce nouveau témoin nous permettra peut-être d‘éclaircir cette affaire. En attendant, les forces de police demandent à tous les automobilistes de conduire avec une extrême prudence sur le périphérique et aux alentours de la ville de Rouen.
– Dites-moi Gilles, c’est une course-poursuite digne des plus grands films hollywoodiens ce matin !
– J’en ai l’impression Claire.
– Chers auditeurs, soyez donc prudent sur la route. Nous reviendrons très vite sur cette affaire. Autre fait moins marquant cette fois-ci, au Havre…»

Merci Claire ! Mais honnêtement vu comment c’est parti, j’ai largement plus de chances de me faire tuer par mon patron si je loupe mon train que de croiser ces débiles armés dans le parking de la gare. Bon ! Il faut que je me trouve une place. Une place… J’ai l’impression de tourner en rond depuis que je suis rentrée, dans ce parking souterrain. Une place. Pitié, faites que je trouve une place. Ah ! Là-bas, il y en a une contre le mur pile en face de moi ! OUF ! Je suis sauvée. Je n’ai même pas besoin de manœuvrer pour une fois. Je vais me laisser un peu de marge entre le mur et le devant de la voiture. Hop, moteur éteint… c‘est bon. Je récupère les clés de la voiture. Bon il ne me reste plus qu’à prendre mes affaires et à verrouiller le véhicule. C’est peut-être mon jour de chance finalement. Il est sept heures quarante-cinq à ma montre. Bien ! Il faut que je me dépêche, le train arrive dans quelques minutes. Je sors de la voiture, ça va elle est bien rangée dans sa case. Je ferme à clé ma portière, hop je vérifie si toutes les portes sont fermées. Portière avant… ok, celle de derrière …ok, de l‘autre côté fermée, et fermée, hop c’est bon. Il me reste plus qu’à prendre mes affaires dans le coffre maintenant. Ah ! Mais qu’est-ce qu’elle est lourde cette pochette Ah… ! La vache. Oh.. Hisse ! J‘y suis presque. C’est bon je vais la poser contre la voiture le temps que je récupère mon sac à main … c‘est bon et mon sac à dos… c’est bon. Je crois que j‘ai tout. BOUM ! Oh non, Oh non, ce n’est pas vrai, dites-moi que je rêve ? LE FREIN A MAIN, J AI OUBLIÉE DE METTRE LE FREIN A MAIN. QUELLE CRUCHE, STUPIDE, STUPIDE, STUPIDE BAGNOLE. RESTE CALME, reste calme, ce n’est pas en tapant sur la voiture que cela va s’arranger. Ce n’est qu’une voiture, ce n’est rien Élisabeth, ce n‘est qu‘une voiture, ce n‘est rien. Contre le mur, elle n‘ira pas plus loin de toute façon, je verrais les dégâts ce soir. Respire à fond … Expire… Bon reprenons est-ce que j’ai tout… Qu’est-ce qu‘il fait froid dehors ! Mon manteau, mince j‘ai failli l’oublier celui là. En plus de ça, mon abonnement Sncf est à l‘intérieur. J’ai hâte que la journée se termine. J’ai surtout hâte de retrouver mon lit. Respire Élisabeth … D’une main je ferme le coffre de la voiture pendant que de l‘autre je commence à enfiler la première manche de mon manteau… Puis la deuxième manche… Let’s Go. Quelle heure est-il ? À ma montre il est sept heures cinquante. Je n’ai pourtant pas loin à pied, mais avec toutes mes affaires, je vais sûrement mettre plus de temps que prévu. Encore heureux que je ne porte pas mes talons ce matin. Si seulement cet abruti avait été chercher de l’essence hier comme tout le monde, je ne serais pas arrivée en retard à la gare et je n’aurais pas eu la tête ailleurs. Ainsi j’aurais eu largement le temps de vérifier, si mon putain de frein était bel et bien serré. Ah ! Les mecs je vous jure, tous les mêmes. Et voilà maintenant, je suis comme l’autre de la course-poursuite, j’ai dézingué ma voiture. C’est une journée de merde qui s‘annonce, je le sens. Allez, courage, encore quelques mètres et je serai dans le hall. Trois, deux, un, les portes battantes s’ouvrent. Il fait déjà un peu plus chaud dans le hall de la gare. Debout devant le tableau d’affichage je peux lire que le train à destination de Paris St Lazare partira voie numéro deux. Il est sept heures cinquante deux. Hop ! Je valide ma carte, je vais avoir du mal à porter ma pochette en descendant. Allez, encore un petit effort, il ne reste que quelques marches. Quelle idée de mettre autant de marche à un escalier. Je vais me mettre au fond du quai pour changer comme ça j’éviterais de longer tous les wagons une fois arrivés à Paris. Qu’est-ce qu’elles ont toutes à me regarder ce matin, toutes ses cinglées ?! Plus j’avance vers le fond du quai plus on dirait qu’elles m’observent. Je n’ai pourtant rien de particulier aujourd’hui, hormis cette satanée pochette. Il ne manquerait plus que du papier toilette soit resté collé sous la semelle de ma chaussure. Au point où j’en suis-je m’en fou. Je m’arrête prêt de l’horloge tiens. J’ai hâte d’être à ce soir, honnêtement. Mais malheureusement, il n’est que sept heures cinquante quatre du matin. Je laisse ma pochette tomber contre ma jambe gauche, j’ai encore une minute devant moi pour grignoter un peu. Où est-ce que j’ai mis ce biscuit. Ah ! Peut-être dans la poche droite de mon caban.
La voix de Simone résonne sur le quai, mes oreilles se réveillent : «Voie 2, le train en provenance du Havre, à destination de Paris St Lazare va entrer en gare, pour votre sécurité prenez garde à l’intervalle entre le marche-pied et le quai». Plus qu’une journée, il faut que je tienne bon, une fois la réunion avec les architectes passée, je serais enfin tranquille. Ah ! Le voilà, fourrés au chocolat comme je les aime. BOUM ! Je sors de mes songes, mes yeux suivent au ralenti la chute de ma lourde pochette à dessin. Je n’ai même pas le temps de manger, ce n’est pas vrai, ça continue…

– Je ne suis vraiment pas douée dis-je spontanément.

Je me suis déjà fait remarquer en arrivant, je vais devoir continuer en me penchant en avant avec mes sacs afin de ramasser cette satanée pochette, magnifique, vraiment magnifique… Qu’est-ce qu’il a celui-là ? Pourquoi sourit-il tout seul ? Il est vraiment bizarre… Bon ! C’est vrai il est pas mal, je l’avoue. Vraiment pas mal en faite. Ce bel homme aux yeux bleu-gris, grand, mince de carrure est la classe incarnée. Je trouve ça un peu bizarre à une heure pareil de s’habiller en smoking mais bon il doit sûrement être un grand homme d’affaires assez riche et marié… On dirait qu’il a une cicatrice verticale sur sa joue droite. Mais quelle cruche, je comprends mieux pourquoi toutes ses femmes me fixaient en arrivant à l‘instant. Je ne l’avais pas remarqué en arrivant. C’est étrange pourquoi me sourit-il encore tout en évitant de me regarder ? Laisse tomber encore un de ces beaux gosses qui usent de leurs charmes auprès de la gente féminine et qui n’ont absolument rien dans la cervelle. Ça vient d’être prouvé ce matin. Il ne me reste que quelques secondes avant que le train arrive. Tant pis, je vais penser à autre chose, gâteau dans la poche hop ! je ramasse  ma pochette… hop ! c’est bon. Il va falloir maintenant que je me trouve une place dans le wagon. Évidement, je vais attendre que les voyageurs sur le quai montent tous car aucun d’entre eux va me laisser passer j‘en suis certaine. Regarde-moi comment elles se jettent toutes à l’intérieur. Vous allez les avoir vos places, ce n’est pas la peine de pousser tout le monde bande de folles dingues. Forcément quand je vais monter il n’y aura plus aucun siège de libre, je ne le crains.

Dangereusement vôtre

Alexander James
Le train Rouen-Paris
7h57 du matin, 28 février 2013

Je vais attendre qu’elle monte, en espérons qu’il reste des places de disponible. Je n’ai franchement pas envie de me retrouver avec … BANG. On dirait un coup de feu ?
AIE ! Une douleur déchirante s’installe en moi. Mes yeux se fixent sur mon bras. Je ne comprends pas, la douleur est de plus en plus forte, du sang apparaît…
-Abaissez-vous, VITE ! crie une voix féminine.
BANG ! BANG ! Les balles ricochent sur la porte du wagon. Le sang coule, il coule le long de mon bras gauche, ma veste est imprégnée de sang.
– Venez, vite, prenez ma main, dépêchez-vous, vite, elle n’est pas loin elle arrive …dit cette même voix.
BANG ! BANG !
Je ne sais pas comment j‘ai fait. Je sais seulement qu’il y a une seconde, j’étais debout sur le quai à attendre que la jeune fille monte dans le wagon et qu’ une seconde après je suis assis dans le sas avec cette même fille. Allongé contre une paroi, j’entends une voix, je la regarde, je comprends soudainement que c’est sa voix. Mes yeux observent ses lèvres remuer. Je n’entends rien, ne comprends rien. Les images s’arrêtent, je ne vois plus rien. CLAC !  J’ouvre les yeux instinctivement. Le choc est violent, ce n’est pas une balle cette fois qui vient de m’atteindre mais une claque, une grosse claque, un choc brutal contre la joue comme pour ramener quelqu’un d’entre les morts. Je ne suis pas mort, pas encore, ce que s’efforce de me dire la jeune fille en criant après moi. Elle enlève sa ceinture, je reprends un peu mes esprits.
-Ne bougez pas, je vais faire un garrot avec ma ceinture. Je crois qu’elle a réussi à monter dans le train, il faut vite se dépêcher. Les gens sont paniqués, le train vient de démarrer.
– Je…
– Ne bougez pas, laissez-moi m’occuper de votre blessure, vous perdez beaucoup trop de sang. Ah ! Ce n’est vraiment pas mon jour aujourd’hui… Du tissu ? Il me faut du tissu. Ma chemise ! Celle pour mon rendez-vous de cette après-midi est dans mon sac à dos fera l’affaire.

Vous, là ! Oui, vous ! Crie-t-elle en désignant une jeune femme accroupie dans le sas. Regardez si la cinglée arrive sur nous par l’autre wagon.
Mes yeux se tournent, fixent une jeune femme apeurée, je la reconnais. Il y a encore quelques minutes ses yeux dévoraient les miens.
– Oui, oui répond-t-elle encore sous le choc des coups de feu.
– Je n’aurais jamais cru que cela me servirait un jour de regarder les épisodes de Grey’s Anatomy. Bien maintenant regardez moi, le garrot est fait pour l’instant, je ne sais pas si vous pouvez-vous lever maintenant ?
– Elle arri…
Les portes du sas s’ouvrent,
BANG ! BANG !
La jeune femme accroupie, tombe sur le sol, une balle vient de transpercer son thorax, le sas se remplit de sang.
BANG BANG, en une fraction de seconde, l’autre jeune fille qui venait de faire à l’instant mon garrot tombe littéralement sur le sol. Elle est blessée à l’épaule. Inconsciente, elle ne bouge plus, leurs deux sang se mêlent à terre.
– Ah ! Te voilà espèce d’enfoiré. Je vais me faire un plaisir de te coller une balle entre les deux yeux, tu ne feras plus de mal à personne.
La mort se rapproche à grands pas. Une femme d’une cinquantaine d’années se tient maintenant face à moi, je ne la connais pas. Son revolver est pointé dans ma direction. Assis par terre, je ne comprends rien. Sa main tremble, les traits de son visage sont marqués par la haine. Ses yeux transpercent les miens pourtant elle ne tire toujours pas.
– Je t’ai enfin retrouvé sale enfoiré, tu ne dis plus rien là hein. Tu la reconnais ? Crie-t-elle en me jetant d’une main une photographie par terre pendant que de l’autre elle tient toujours fermement son revolver.

Sur la photographie, j’aperçois une femme, son visage m’interpelle, elle s’appelait Sarah.

-Hein ! T’en souviens-tu maintenant ? Ma fille espèce d’enfoirer hurla-t-elle, c’était ma fille que tu as tuée il y a un mois. Tu as ruiné sa vie sale fumier. Je vais te le faire payer, prépares-toi à mourir…

Je ferme les yeux, mon heure a enfin sonné.

 L’espion qui m’aimait

Le conducteur de l’Aston Martin noire
Centre ville de Rouen
7h20, 28 février 2013
Je ne comprends pas pourquoi elle m’a tiré dessus, c’est mon directeur. Elle veut se venger, très bien, mais là elle dépasse carrément les bornes. Sans prévenir elle quitte son travail il y a deux jours. J’ai toujours considéré M comme une mère, c’est d’ailleurs la seule personne à laquelle je tiens. Ma seule famille. Depuis la mort d’Ellen, sa fille, il y a un mois, j’ai vu la vengeance prendre de plus en plus le pas sur elle. Mais se venger de qui au juste ? Elle n’a rien voulu me dire. Officiellement Ellen se serait suicidée mais M. ne voulait pas y croire. C’est pourquoi je suis là, au volant d’une Aston Martin noire à la surveiller. Parce que je m‘inquiète énormément pour elle. Il y a environ deux heures, je l’ai vu monter à bord d’une Audi gris métallisée. Comme M, un indicateur m’attendait à la sortie de l’aéroport avec une voiture. Prise en filature, M. m’a finalement repéré vers sept heures sur l’autoroute qui relie l’aéroport d’Orly au centre-ville de Rouen. J’ai failli me prendre un camion par-dessus le marché en essayant de la stopper. Après une course-poursuite éreintante à plus de deux cents kilomètres heures sur l‘autoroute, elle croit m’avoir semé sur le périphérique en direction de Rouen.

Hors ce n’est pas le cas, j’ai plus d’un tour dans mon sac lorsqu’il s’agit de filature, je ne suis pas le meilleur agent du MI6 pour rien. Elle arrive et descend dans le parking souterrain d’un hôpital. Sur le panneau d’information y est indiqué la clinique de l’Europe.  Je peux le lire facilement le panneau puisque j‘ai vécu quelque temps à Genève durant mon adolescence. Mais que vient-elle faire ici ? Je laisse ma voiture sur le parking extérieur avant de descendre à pied dans le souterrain pour ne pas la perdre de vue. Je l’observe cacher derrière un poteau afin de ne pas me faire repérer. Deux minutes, plus tard, je la vois sortir de la voiture, elle porte un sac sur le dos. Elle se dirige maintenant vers un escalier. J’attends un peu avant de suivre ses pas.

Une minute plus tard j’emprunte le même chemin, l’escalier mène directement sur l’entrée principale de la clinique. Mais elle n’y rentre pas. C’est étrange. Elle se dirige maintenant vers l’arrêt du métro quelques mètres plus loin. Elle attend, patiente, ne dis rien. Je reste assez éloigné car elle pourrait me repérer à tout moment. Il est sept heures vingt à ma Rolex Submariner. Le métro arrive, je cours vite avant que les dernières portes ne se refermèrent. Il était moins une. Il est très difficile de surveiller M. dans la rame sans s’exposer entièrement devant elle. Caché contre un mur je l’observe avant l’arrêt de chacune des stations. Une station de passée, deux stations…, trois stations… Elles défilent comme la grande aiguille à ma montre. Il est maintenant sept heures quarante et nous sommes arrivés à la station gare SNCF. Je la vois descendre. Les gens ont l’air pressés. Elle marche lentement, étrangement comme si elle suivait un homme…. Je crois qu’elle suit un homme, il est devant elle marche aisément, il est habillé comme un agent du MI6.

Pourtant je ne le connais point. Je marche encore plus lentement qu’elle. Il le faut pour ne pas être repéré. Elle avance vers les escaliers, montent les marches unes à unes sans perdre une seconde l’homme de vue. J’en suis maintenant, il vient de s’arrêter un instant refaire le lacet de sa chaussure gauche. Elle, attend, le regarde faire. Je ne sais pas ce que M. veut à cet homme mais ça ne présage vraiment rien de bon. Il reprend le rythme de sa marche, elle aussi. J’observe son bras, elle ne le bouge pas. On dirait qu’elle tient fermement quelque chose. Sa main droite est camouflée dans la poche de son long manteau noir. L’homme se dirige maintenant dans le hall, je le vois plus pour le moment. J’observe toujours M qui est restée dans les escaliers quelques instants avant de s’exposer au reste des voyageurs dans le hall de la gare. L’homme est arrivé près du panneau d’affichage, lui aussi semble chercher quelque chose ou quelqu’un…Plutôt quelque chose. Il fouille ses poches une à une. M. l’observe attend dans le hall en faisant semblant de s’acheter à manger à la boulangerie pendant que l’homme désespéré de trouver ce qu’il cherche se dirige vers la guichetière. M. attend son tour. Je me cache, il ne faut pas qu’elle me voit. Ce bar fera l’affaire, je n’ai quelques secondes pour y rentrer dedans avant qu’elle ne me repère. Le serveur se rapproche de moi.

-Bonjour Monsieur, que désirez-vous ?
-Un thé s’il vous plaît
-Bien je vous l’apporte toute suite à votre table Monsieur.
L’endroit est approprié pour une filature, les tables sont disposées près des fenêtres donnant directement sur hall de la gare. Je m’installe à la table dans l’angle pour mieux les observer.
Le serveur est débordé, il me fait signe qu’il arrive au plus vite. Cela tombe bien, je viens de me rendre compte que je n’avais aucune monnaie française sur moi. Assis derrière la fenêtre, j’observe cet homme qui patiente devant le guichet, ce fin séducteur. Comment je le sais ? Parce que j’en suis un. La guichetière se décompose de minutes en minutes. Ah ! Les femmes je vous jure toutes les mêmes. Je crois que M. a elle aussi repéré son petit manège, en pivotant la tête sur la gauche, je la vois, elle le fixe, son visage est plein de haine. La guichetière tend quelque chose à l’homme, je suppose que ce sont des billets. Il les regarde avec attention puis salue la guichetière. Il est sept heures quarante-huit. Il se dirige maintenant vers les escaliers. Je sors précipitamment du bar, il était temps pour un peu je perdais leurs traces. Au loin, je peux facilement le voir, il sort son billet, le composte, puis descend l’escalier pour se rendre voie numéro deux comme le font les autres. Je m’assure que M soit descendu avant de poursuivre ma double filature. J’ignore toujours ce qui va se passer mais maintenant j’en suis presque sûr, ce que s’apprête à faire M. ne va pas être beau à voir. Il est sept heures cinquante-quatre à ma montre. L’homme est debout au fond du quai, il est clairement visible toutes les femmes regardent dans sa direction. Puis la mienne. J’attends en retrait, aucun d’entre eux ne peut me voir. Une femme passe devant moi, elle marmonne, rien de bien éloquant. Chargée, elle s’arrête devant lui au bout de quelques minutes. M. les observe discrètement derrière un poteau. Une voix parle à l’interphone «Voie deux, le train en provenance du Havre, à destination de Paris St Lazare va entrer en gare, pour votre sécurité prenez garde à l’intervalle entre le marche-pied et le quai».

La jeune fille fait tomber sa pochette sur le sol. L’homme qui l’observe sourit. Elle finit par le remarquer en se retournant. Ils ne parlent pas. J’en déduis qu’ils ne se connaissent pas. Je vérifie si mon Walther PPK est chargé. Je sens que je ne vais pas tarder à en avoir besoin. L’homme énerve de plus en plus M, je le vois, son bras est toujours immobile tenant plus fermement que jamais son arme. Pourquoi ne ramasse-t-elle pas sa pochette ? L’homme continue de se tenir immobile. Le train arrive, finalement elle l’a ramasse. Je n’ai jamais vu ça, toutes les femmes se jettent sur la porte du second wagon parce que monsieur bon chic bon genre s’apprête à monter dedans. Les hommes regardent ce spectacle avec écœurement. Si M ne tente rien aujourd’hui, l’homme ne fera pas long feu sur le quai quoi qu’il arrive. Il ne reste plus que quelques personnes sur le quai à présent ; moi, M. la femme à la lourde pochette et cet homme. Je reste toujours en retrait derrière un poteau. En face de moi s’arrête le troisième wagon. M s’avance vers l’homme. Mon pressentiment était fondé, son bras bouge, elle sort son arme. L’homme et la femme ne remarquent rien. La femme monte avec toutes ses affaires, … BANG. L’homme est blessé. Il se fait aider par la jeune femme en regagnant le sas. Je suis loin d’eux je ne peux les aider en restant sur le quai il faut que je monte dans l‘un des wagons. Je cours vers la porte du troisième wagon pendant que M. continue de tirer en se dirigeant vers la porte de la deuxième voiture. BANG, BANG, les balles ricochent sur le wagon ce n’est pourtant pas son style. M. loupe très rarement sa cible. Je suis à l’intérieur, les gens sont paniqués. Se jettent à terre, j’ai du mal à me frayer un chemin. Je suis obligé de crier, l’agent d’observation, dégagez de l’allée. Le train vient de démarrer.

Je traverse le plus rapidement possible le troisième wagon, en rejoignant l’allée du second wagon, j’aperçois M. Elle se rapproche dangereusement du premier wagon. Les gens crient, ils sont apeurés. J’espère ne pas arriver trop tard. BANG ! Premier coup de feu, les gens sont apeurés, cachés entre deux banquettes.
Paniqués, ils restent sur le sol, j’avance de plus en plus vite BANG un second coup de feu. J’arrive en courant vers le sas, j’aperçois M derrière l’une des vitres, deux femmes sont touchées, allongées sur le sol, inconscientes. M se tient debout, elle crie après quelqu’un, ce doit être l’homme, je ne le vois pas il est caché derrière une paroi. Je l’entends lui parler :

– Je t’ai enfin retrouvé sale enfoiré, tu ne dis plus rien là hein. Tu la reconnais ! Lui crie-t-elle en lui jetant d’une main une photographie par terre.

-Hein ! T’en souviens tu maintenant ? Ma fille espèce d’enfoirer crie-t-elle, c’était ma fille que tu as tué ma fille il y a un mois. Tu as ruiné sa vie sale fumier. Je vais te le faire payer, prépare-toi à mourir…

Oh non M. ne fait pas ça ! J’actionne les portes du sas, elles s’ouvrent, en un instant je me saisis de son arme. Elle se débat, elle me connait bien et sait jusqu’où je pourrais aller si je devais vraiment l’arrêter. Seulement,voilà même si elle menace la sécurité de tous ici, elle reste M, ma seule famille.

– Bond arrêtez. Laissez-moi, je dois le tuer, cette pourriture a détruit la vie d’Ellen, il m’a pris ma fille, JAMES… Il a été payer pour la tuer, la tuer James, ce n‘était pas un suicide. Il lui a injecté une dose mortelle pour la faire taire. J’en ai la preuve James, j’en ai la preuve…

Elle s’arrête, lâche prise, puis se met à pleurer dans mes bras.

-Il aura ce qu’il mérite M, crois moi mais pas ici pas comme ça, si tu veux découvrir qui est le commanditaire de son meurtre tu dois le laisser en vie.

 Meurs un autre jour


Elisabeth T. Vincenzo
Hôpital de Rouen, 10h du matin, 2 Mars 2013
France Info :

Quelques jours plus tard l’homme ouvre à nouveau les yeux, cette fois-ci il n’est ni sur le quai mais bel et bien incarcéré dans une prison en Angleterre sur haute surveillance. Élisabeth quant à elle se réveille à côté de la jeune femme blessée par balles, quelques jours plus tard à l’hôpital de Rouen sans aucune autre explication hormis celle-ci diffusée par la radio locale de Rouen.

« Chers auditeurs, revenons sur les derniers incidents non élucidés de ces derniers jours. Notre correspondant Gilles se trouve en direct de la gare Sncf à Rouen.
– Eh bien Gilles avez-vous des informations sur les auteurs de cette double fusillade qui a eu lieu à Rouen, il y a quelques jours ?
– Eh Bien ! Oui Claire, la première fusillade serait dû à un règlement de comptes entre dealer, deux suspects viennent d’être arrêtés par la police et sont actuellement mis en examen pour  trafic de stupéfiant et conduite en état d’ivresse. Cependant il semblerait que cette affaire n’a aucun lien direct avec la fusillade qui a suivi une heure plus tard au sein de la gare. La police nous a seulement informés qu’elle travaillait en étroite collaboration depuis quelques mois maintenant avec les services secrets britanniques. Deux agents on mis la main sur un tueur en série qui s’était échappé il y quelques années en Angleterre. De source sûr, deux femmes ont été transporter à l’hôpital à la suite de cette fusillade. Heureusement l’homme fut intercepté par l’un des agents du MI6.
– Merci Gilles, comme je le disais il y a quelques jours, une affaire digne des plus grands films hollywoodiens …»

Hein ?! Je suis clouée dans un lit d’hôpital et tout ce qu’il trouve à dire c’est que les services britanniques ont arrêté un tueur en série… Et moi je suis quoi un cobaye? J’étais là, je vous signale. Aïe ! Cette satanée épaule me fait mal. Une affaire digne des plus grands films hollywoodiens… C’est tout ce qu’elle trouve à dire CELLE LA, j’ai failli mourir ce jour-là je vous signale, j‘étais là bande de ….. AH ! De toute façon on en saura jamais rien ! Là c‘est clair, dès que je sors je me barre de ce pays, il me faut des vacances !

Lise F.

Flottement

Même à la plage, Ariane était bien coiffée. Même après une baignade, le sel séchant sur ses cheveux ne les crêpait pas, ne faisant que les orner d’une bouclette à chaque tempe, si parfaite qu’elle avait l’air d’être née autour d’un fer à friser. Ariane n’y pouvait rien.

Allongée sur son matelas gonflable, elle laissait tout de même traîner le bout de sa chevelure dans l’eau, dans l’espoir de l’encanailler.

Les San Antonio sont les seuls livres qu’on puisse lire sur un matelas gonflable ballotté par les vagues au mois d’août. Le livre était moins impeccable que sa chevelure, le bord des pages gondolait.

La pin-up de la couverture n’en ondoyait que plus, la poitrine en avant, projetée vers le soleil et les fesses en arrière, rentrées dans le bouquin, offertes au commissaire, dès la première page .

Dans chaque livre, il se trouvait trois ou quatre créatures pour se pâmer sous (ou sur ou autrement) le commissaire et Ariane se demandait toujours laquelle était en couverture.

L’homme derrière San Antonio s’appelait Frédéric Dard et l’illustrateur des couvertures jusque dans les années soixante, Michel Gourdon. Deux presque noms d’acteurs de films de boules. Il aurait suffi d’un petit effort anagrammique tout à fait à la portée de Frédéric Dard.

Les dessins et les titres, abscons et salaces, faisaient rêver Ariane quand elle était petite et qu’elle lorgnait les couvertures posées sur le ventre de son père qui les lisait dans son transat. La souris de la couverture aguichait imperturbablement, inconsciente de la moiteur du bourrelet velu sur lequel elle était juchée.

Ariane aurait aimé les lire en douce au creux de son lit, la nuit, mais ils étaient rangés bien trop haut dans la bibliothèque. Maintenant qu’elle avait grandi suffisamment, elle plongeait sous les couvertures des San A à raison de presque un livre par jour.

Au-delà des années soixante les pin-up de Gourdon disparaissaient, les livres la tentaient moins de prime abord. Mais ces vingt premières années avaient déjà offert au dessinateur quelque soixante femelles brûlantes choisies parmi les centaines prises dans les filets du commissaire. Et les autres, elle les lirait plus tard, à la fin de l’été, dans la dégénérescence de septembre.

Les voix de ses parents lui parvenaient de la plage.

« Fais attention à mes livres, Ariane, ils sont anciens et j’y tiens. »

« Et quand même, tu ne veux pas lire aussi de vrais livres? Tu ne vas plus avoir de tête pour la rentrée. »

Ariane pagayait alors du bout des doigts s’éloignant suffisamment du rivage pour pouvoir faire semblant de ne plus entendre. Si elle dérivait assez loin,  il était sûr que sa mère ne la rejoindrait pas. Contrairement à elle, sa mère ne pouvait pas approcher sa tête de l’eau salée sans se transformer en mouton noir.

C’était cette mère qui l’avait appelée Ariane, à cause d’un film d’Audrey Hepburn, Love in the Afternoon. L’Ariane/Audrey était une ingénue violoniste, fille d’un détective privé, qui pimentait son quotidien de jeune fille sage en lisant en douce les fichiers de son père. Le film était adorable. Elle le détestait.

C’était à cause d’Audrey Hepburn que ses cheveux étaient toujours parfaits, et qu’elle ne transpirait jamais, même à la plage en plein été.

Dans les années vingt, son arrière grand-mère Délaïde, probablement coiffée d’un chapeau à plumes, avait déclaré à sa grand-mère qui se plaignait de la chaleur : « Les bêtes suent, les hommes transpirent, une jeune fille bien élevée se contente d’avoir chaud. » Après cela, la grand-mère ne s’était plus jamais plainte de rien, benoîte et calme en toutes circonstances au point d’en être glaçante.

Elle était morte sans déranger personne, dans son lit, ses papiers en ordre, son cercueil choisi et payé.

Ariane aurait aimé n’avoir aucun point commun avec elle mais elle savait que c’était illusoire. Elle était un lac calme, insondable, à la surface lisse et sans ridule, comme la grand-mère. Avec en plus la beauté d’Audrey Hepburn. Posant son livre ouvert sur le matelas gonflable, elle plongea dans l’eau. Bouche ouverte, yeux ouverts, elle laissait le sel la dévorer. Les eaux douces et stagnantes la dégoûtaient. Elle n’aimait que la mer.

Elle se projeta au fond de l’eau pour enfouir ses pieds dans le sable. Il faut toucher le plus de choses possibles quand on a l’impression de ne pas appartenir au monde. Les sensations vous ancrent, vous agrippent au sol quand l’esprit fait mine de voleter, évanescent.

Petite, elle s’accrochait à longueur de journées à la main de sa meilleure amie, au point que celle-ci avait fini par la trouver bizarre et par s’éloigner d’elle. Maintenant qu’elle était adolescente, et lycéenne, elle avait compté sur les garçons pour lui communiquer leur chair et leur chaleur.

En théorie, à seize ans, il n’est pas bien difficile pour une fille qui le veut d’être caressée par des garçons. Pour elle, ça n’avait rien d’évident.

Ils gardaient leurs distances. Elle les intimidait. Ils malaxaient de leurs paumes chaudes et sales de lycéens les seins et le cou de filles plus accessibles, un peu hagardes ou maladroites, mal dans leur peau. Tous ces gamins suintaient la fausse assurance, l’odeur de leur transpiration était mal cachée par du déodorant Axe, leur esprit rebondissait de cours de math en enfilage de capotes, sans ordre. Et elle, toujours gracieuse, sans un seul bouton d’acné, même à la lisière des cheveux, là où la peau est censée être un peu grasse, n’avait rien à voir avec ce chaos hormonal, et personne ne la touchait.

Lors d’une soirée chez une fille de sa classe, elle avait réussi à s’approcher plus que de coutume d’un garçon. Ses camarades avaient passé une bonne partie de l’après-midi à choisir leurs tenues et à se maquiller. C’était une grosse soirée où tout le monde ou presque était invité. Seuls les authentiques souffre-douleur /dindons de la farce avaient été écartés. Trop étrange pour être populaire, Ariane n’appartenait néanmoins pas à cette catégorie. Elle avait même été conviée à la session pomponnage d’un petit groupe de lycéennes.

Elle avait suivi une bande de filles fébriles de boutiques de fringues en rayons maquillage de supermarchés. Les filles cherchaient la tenue qui les rendrait belles sans apprêt, comme par accident. Le temps qu’elles pouvaient passer à avoir l’air belles par hasard, c’était fou… Ariane les suivait, se laissait entraîner dans les cabines d’essayage et passer des tenues à la mode de l’année. Le rose fluo était en vogue et même ça avait l’air naturel et chic sur elle, alors que les autres filles se transformaient en flamants roses disco. Ariane acheta vite un top en dentelle rose pour que les autres lui fichent la paix. Elle préférait les regarder essayer des vêtements qu’en trouver elle-même.

Les filles regardaient l’image que le miroir leur renvoyait avec des yeux tremblants. Leur inquiétude salissait leur reflet et les rendait laides, à leurs yeux. Vulnérables et touchantes, aux yeux d’Ariane. L’une d’elles, se retrouvant face à son double en robe moulante, avait même fondu en larmes, le cœur brisé devant l’imperfection de son corps. Ariane aurait aimé lui faire comprendre que c’était cette imperfection qui était belle, humaine. Mais elle n’était pas douée pour consoler, et la fille larmoyante n’aurait sans doute pas apprécié à leur juste valeur ses angoisses de fille délicieuse à l’œil même au réveil, même à la sortie de la piscine, même à la fin du cour de ping-pong.

Ces angoisses qui ne faisaient que la rendre plus jolie, lustrant sa prunelle et rosissant ses joues. La fille en boule au fond de sa cabine avait arrêté de pleurer et regardait son museau rosi par les larmes d’un air morose. Elle essaierait de camoufler ça au fond de teint et à l’ombre à paupières. Mais si ses yeux étaient gonflés, cela se verrait quand même.

Après cette errance entre filles, il avait été temps d’aller à la fête, de rejoindre les garçons. Certaines des gamines étaient allées directement vers ceux de leur choix et s’y étaient abouchées. Etaient-elles déjà avec eux avant ou est-ce qu’elles avaient vraiment trouvé la tenue magique qui leur ouvrait les portes et les bras ?

D’autres étaient parties fleureter, caqueter, virevolter contre les lycéens aux bouches libres, attendant de s’y poser. Ariane avait tenté de les imiter mais les garçons ne la laissaient pas approcher. Quand elle arrivait près de l’un d’eux, il se saisissait d’une fille à portée et lui enfonçait sa langue chargée dans la bouche pour se sauver de la parfaite Ariane.

Patiente, elle avait tout de même fini par en coincer un. Elle l’avait déjà remarqué, il lui plaisait bien, la gueule un peu de travers et de grandes mains tremblantes. Il avait bu pas mal de bière, ce qui avait altéré ses réflexes et elle ne lui avait pas laissé le temps de fuir. Elle avait collé sa bouche à la sienne sans lui laisser le choix et sa mauvaise haleine et ses yeux glauques d’alcool l’avaient emplie de joie. Elle avait l’impression de vivre enfin.

L’impression avait été brève. Le garçon avait eu un renvoi de bière, avait roté deux ou trois fois d’un air gêné puis, coupé dans son élan, s’était levé en s’excusant. Pardon pardon, je te respecte trop je ne sais pas ce qui m’a pris. Ariane était restée seule assise par terre, les cheveux pas vraiment décoiffés mais adorablement ébouriffés. Elle avait rôdé dans l’appartement, enjambant les couples qui se vautraient au sol, finissant tous les fonds de bouteilles de bière posées un peu partout sans ressentir la plus légère ivresse.

Elle lâcha une grosse bulle de dioxyde de carbone et remonta à la surface de l’eau respirer un bon coup. Le vent s’était levé, façonnant de petites vagues frangées de blanc.

Et pendant ce temps, que faisait San Antonio sur le matelas gonflable? Il ne tergiversait pas, lui. Il la croquait, la souris. Il la draguait. Elle le prenait de haut. Mais ça ne durait pas longtemps. Le regard capiteux du commissaire. Sa moquerie virile. Son humour noir bourru. Et la môme affolée rentrait dans son plume mais pas dans son cœur. Le livre tressautait sur le matelas gonflable, au rythme des vagues ou des reins du commissaire.

C’est un type comme ça qu’il lui aurait fallu. Quelqu’un qui la décoiffe tellement fort qu’elle en garderait pour toujours des épis sur le crâne. Un sale con. Oui, de préférence, un sale con. Dont elle tomberait folle amoureuse, qui lui briserait le cœur et la foulerait aux pieds, qu’elle supplierait de l’aimer et qui la rejetterait, lui tournant le dos après un ultime regard de mépris.

Après cela, elle ne serait plus jamais la même, elle en était sûre. Si elle restait une jolie porcelaine, ce serait une porcelaine fêlée.

Le San Antonio lui glissa des mains, tombant dans l’eau. Elle le repêcha, mais il ne serait plus jamais le même, lui non plus.

Sixx in the dirt

J’entre. Depuis trois jours c’est le défilé. La baraque est blindée de gens que je connais pas, qui entrent et sortent. De plus en plus de types stagnent shootés un peu partout, en écoutant de la musique et le sol est salopé par la gerbe et les cadavres de bouteilles. Ces enfoirés vont me vider tout mon putain de stock d’alcool. J’enjambe un couple en train de baiser au milieu du salon, traverse le couloir sur le tapis cramé sans y prêter attention et referme la porte. Me vautre sur le lit couvert de seringues, au milieu de bouquins d’étude sur le lien entre le théâtre, la politique et la culture. Le Théâtre de la cruauté d’Antonin Artaud doit traîner quelque part dans ce merdier. Lire tout ça me fait chier en ce moment et j’ai pas pondu un broque de chanson depuis des mois. Ça m’empêche pas de remonter ma manche pour me planter une aiguille. L’héroïne fait le tour de mes veine et en moins de deux explose. Putain, c’est aussi bon qu’hier ! Je connais rien d’aussi…

J’écarquille les yeux avec la putain de sensation que mes orbites sont enfoncés loin dans mon crâne. Quelque chose tape. On dirait qu’une lumière verte s’est plaquée sur les murs, tout autour et sur le chevet c’est rouge et ça gigote. Ça tape. Y a tellement de boucan dans cette baraque et j’entends brailler. Ça s’engueule de l’autre côté, ou ça baise, au choix. Ça me rappelle Tommy quand il était encore avec cette cinglée de Bullwinkle, merde j’sais plus comment elle s’appelle. Putain mais qu’est-ce qui tape ?! Je lève mon cul du lit. J’ai marché sur quelque chose. Rien à foutre, ça vient de la salle de bain. J’ouvre en manquant de me coller la porte dans la gueule. Au-dessus de la baignoire, de l’autre côté de la fenêtre, une blonde attend. Elle m’aborde pendant que j’ai les yeux rivés sur ses énormes mamelles siliconées dégueulant de son top rouge. Bien sûr, pas question de lui refuser d’entrer. Elle se tortille pour grimper, me présente son petit cul moulé dans du noir cuir en mettant le premier pied dans la baignoire. J’lui aurais bien proposé une ligne avant de commencer. En tout cas moi je m’en serais bien sniffé une le temps qu’elle peine à s’extirper de son froc, mais elle a fini par se jeter sur moi comme une furie, m’a poussé contre le mur en me foutant le cul à l’air et s’est collé ma queue entre les cuisses. Je l’ai foutu par terre et j’ai continué de la secouer sur le carrelage. Ça a pas duré longtemps. Aussitôt terminé, elle s’est rhabillée et est tout simplement reparti de la même façon qu’elle était venue. J’retourne dans la chambre me faire deux lignes et je m’endors.

Le lendemain j’ai émergé qu’en plein après-midi. J’suis passé devant la chambre de Tommy et il y avait une nana menottée à son lit, mais pas de Tommy dans la maison. Elle a dû attendre jusqu’au soir qu’il revienne. Vince était étalé par terre au pied de la table basse sur laquelle il restait quelques miettes de coke. Le téléphone a sonné mais ‘m’en suis pas occupé. J’suis allé m’faire une Jack Daniel’s au Whisky A Go-Go et quand j’suis rentré, la fille était plus là. Tommy se l’ai sûrement enfilée avec Vince. Ça leur arrive souvent de se faire une de ces salopes à deux. Moi en général ça m’empêche de bander quand ‘y a un autre mec à côté. Mick aussi est rentré, il était complètement bourré avec une sale gueule de croque-mort bouffi par l’alcool. Les Mötley Crüe au complet, on s’est fait une petite virée jusqu’au Troubadour dans une Cadillac que Coffman louait pour nous et qu’on martelait à grands coups de lattes pour le remercier. Toute une flopée de gens entrait avec nous et quand on repartait l’endroit se vidait. On était les rois de Los Angeles et le fric coulait à flot. Revenir de treize mois de tournée ça casse le rythme et on savait plus trop quoi faire de nos culs, mais on était dans le bon quartier pour s’éclater et on se tapait toutes les boîtes de strip-tease du coin. Rien qu’une interminable putain d’orgie de nana, de drogue et d’alcool ! C’est la vie dont je rêvais déjà gamin. On finissait la plupart de nos nuit chez nous avec une foule de monde, à sniffer des lignes et baiser toutes les filles qui nous suivaient que pour ça. J’ai empalé des chattes jusqu’à être trop défoncé pour bander. Et je crois qu’il s’est jamais passé une journée où j’étais pas défoncé depuis mes sept ans. Personne savait que j’étais passé à la vitesse supérieur et que j’avais toujours des seringues planquées dans ma botte droite. J’adore la baise mais la drogue dépassait ça. J’avais pris l’habitude de dégueuler souvent et j’commençais à passer mon temps à imaginer de nouveaux mélanges pour constater les différents effets que ça faisait une fois dans mon organisme. Ce soir-là encore j’ai pas vu la fête se terminer.

Quelle merde, putain mais quelle merde ! Ça fait chier! Quand mon grand-père m’a téléphoné en chialant je lui ai promis d’être là pour l’enterrement. La semaine dernière j’réussissais à tenir deux jours sans prise et là… Putain j’devais m’lever ce matin pour y aller et j’suis là par terre comme une merde, incapable de ramper pour m’attraper un froc et en même temps j’en est rien à branler. Plus personne ne vient à la maison, je les ai tous envoyés se faire foutre. Avec Nicole on passe nos journées à poil à s’enfiler l’équivalent de mille dollars de drogue par jour : cristal, héroïne jusqu’aux cailloux de coke et d’autres trucs, tous les cocktails sont bons pour se goinfrer. À ce rythme dans onze mois j’suis ruiné. Mon corps est complètement déglingué et mes veines crèvent de déshydratation. Les bras, les cuisses, les orteils, quand j’aurai tout flingué j’aurai plus qu’à me piquer la queue. Putain j’suis même pas capable de bouger mon cul pour aller à l’enterrement de ma grand-mère. Elle s’est occupé de moi quand j’ai largué ma mère et j’suis là à m’en foutre. Pour Vince c’était pareille. Ça avais beau être un pote et j’le considérais même comme mon propre frère, quant j’ai appris qu’il partait pour la taule j’l’ai même pas appelé et j’lui ai jamais rendu visite. Tout ce qui m’inquiétais c’était cette putain de tournée qui approchait. À chaque fois c’est pareil, j’en ai que pour ma gueule. Encore une ligne.

Plus tard, j’ai appelé le vieux pour m’excuser. Déjà ras le cul de tout ça, de cette baraque. Merde, j’sais même pas pourquoi j’l’ai épousée. J’aime pas discuter et ‘y a jamais rien eu d’autre que la drogue entre Nicole et moi. On baisait même plus à force de s’endormir sur le pieu après les prises. J’étais pas bien avec elle et j’arrêtais pas de me réfugier entre les jambes d’autres nanas. Une fois, il est arrivé que les gens me regardent bizarrement dans la rue. J’suis allé me relooker dans les chiottes des femmes pour me rendre compte que j’avais la gueule en sang, du nez au menton. J’étais tellement défoncé que je m’étais même pas aperçu que la fille que j’avais léchée sur le capot de ma nouvelle Corvette avait ses règles. Finalement Vince est revenu. Pas d’émotion. J’lui est proposé une ligne histoire de recoller les morceaux, il a accepté et aussitôt couru dégueuler aux chiottes. (Il était devenu clean et menacé de retourner en taule s’il retouchait à quoi que ce soit. Il était à part, surtout pendant la tournée qui a suivi. Dès que j’le voyais avec une pauvre bière j’l’engueulais avec ma bouteille de whisky à la main et ma seringue dans la botte.) Vince a fini par être condamné et a usé quelques mois de taule pour bonne conduite. Après ça la tournée Girls a été la plus dégénérée de toutes.

À Hong Kong un gamin m’a prédit que je mourrai avant la fin de l’année, c’était un vingt et un décembre. M. Udo m’avais fait la même remarque une semaine avant. Autrement dit il ne me restait pas longtemps. Mais j’en avais rien à foutre. Avec tout l’amour que ces gens me portaient malgré le type que j’étais, je vivais que pour la drogue. C’est comme ça que j’ai vécu les meilleurs moments de ma vie. J’montais sur scène drogué, j’en redescendais pour me droguer. C’était juste pas possible d’arrêter.

J’suis rentré à Los Angeles avec l’idée de combler la solitude qui me bouffais et j’ai ouvert mon carnet d’adresse. Direction le Cathouse. J’me suis entassé dans la limousine avec Slash, Robbin Crosby et les types de Megadeth. Au retour les fans nous poursuivaient. On est rentré au Franklin Plaza Hôtel où le dealer de Robbin nous attendait avec de l’héroïne perse. On s’était déjà tous déchiré en route et j’avais pas arrêté de gerber en venant, alors j’ai dis OK au type à condition qu’il s’en occupe. Il a serré avec un élastique chirurgical et à enfoncé l’aiguille dans mon bras. Et là j’ai senti que j’avais fait une connerie. La première fois c’était à Londres, en tournée avec Cheap Trick. Le dealer était sur le point de me larguer dans les ordures, convaincu de me laisser pour mort. J’ai répondu en gerbant sur ses pompes.

Tout est flou et défile, même les voix. Je veux bouger pour mieux voir ce qui se passe, mais mon corps est lourd comme une pierre en train de couler, ma cervelle flotte dans ma tête et se noie. Pas moyen de refaire surface, je sombre pour de bon.

Mes oreilles sifflent et des voix hurlantes résonnent comme des échos difformes. J’suis allongé sur le dos avec une saloperie de lumière en plein dans la gueule. « On est en train de le perdre, on est en train de le perdre ! » J’arrive même pas à tourner la tête pour l’éviter. « Personne ne crève dans cette ambulance ! » Plusieurs aiguilles se plantent dans mon corps, une sensation familière que je distingue à peine, « Vous êtes un héroïnomane ! » des tubes plongent dans mes narines. « Quand est ce que vous avez pris ça ? » Cette putain de lumière m’arrache les yeux « Qui vous a fourni ? » et me brûle le crâne. D’autres aiguilles s’enfoncent. « Tu vas parler enfoiré de junkie ! » Putain mais qu’il ferme sa gueule ! J’entrouvre une bouche pâteuse pour ingérer de l’oxygène, ça fait mal, comme si mes poumons étaient restés vides trop longtemps, et j’arrive à dégoiser en toussant quelque chose qui ressemble à va te faire enculer. « Quoi qu’est-ce que t’as dit ? » m’assomme encore le flic. Je recommence : « va te faire enculer » sort plus clairement de ma bouche. Encore une fois pour la forme : « va te faire enculer ! » Je suis vivant. Le petit jaune s’est planté. Par un retour d’adrénaline, peut-être celle qu’on m’injecte dans les veines, peu importe, je me lève d’un seul coup en arrachant ces putain de tuyaux. Je leur balance tout leur merdier à la gueule en les aspergeant d’insultes et me voilà dehors, presque à poil sur un parking d’hosto. Deux nanas arrêtent de pleurer, étonnée de me voir me pointer devant elles, et sont ravies de me ramener chez moi. Aussitôt, pour déconner je change de répondeur en m’envoyant deux lignes de coke : « Salut c’est Nikki, j’suis pas à la maison parce que j’suis mort. »

 

 

Frédérique

Ça va ?

Dans des pays où il ne pleut pas…

« Ça va, Alonso Quijano ?

— Ça va diablement bien Grand Jacques. Dis-moi comment fais-tu pour avoir tant de représentants, pour laisser persister tant de malentendus ? Comment fais-tu pour supporter tant de porte-paroles fanatiques ou critiques, parlant de toi comme d’un brillant poète disparu ?

— Et toi, immortel hidalgo, vieil homme de la Manche, comment fais-tu pour supporter tous les échecs dont on t’a accablé quatre siècles durant ? Certes on te qualifie de brave et l’on s’attendrit de tes hauts faits, mais combien ont compris la justesse de tes combats, la tendresse de ton caractère ?

Moi, vois-tu, depuis que je suis là, je fulmine de les entendre en bas me parer des qualificatifs les plus aimables et laudatifs ; je bous de les voir me figer en icône gesticulante, de savoir que l’on me regarde comme un génial pantin à la triste figure, qui s’égosillait sur scène avec véhémence.

Pourtant, dit-on, j’aurais quitté mes admirateurs trop vite par excès d’égoïsme, les privant de poésie pour m’éloigner des feux de la rampe, et même m’exiler aux Marquises, pour de toute façon partir en fumée ! Comme si mon image ne m’appartenait plus.

— Un quart de siècle après ta mort, Grand Jacques, Dame bêtise a encore pris du poids et tu ne peux que te taire ; il faut t’y résoudre, et toi aussi renoncer à te battre contre les géants.

— Pourtant ma jeunesse ne fut pas celle d’une icône, vois-tu…Mon enfance passa de grisailles en silences, de fausses révérences en manque de batailles.

Malgré tout, tes gravures m’ont accompagné tout au long de mon voyage, tendre idole que j’admirais. Et moi, le peigne-cul je ne pensais qu’à moi. L’ami Jojo se prenait pour Voltaire, l’ami Pierre pour Casanova ; je restais le plus fier et me prenais pour moi, jusqu’à devenir ce vieux con qu’on aurait pu traiter de bourgeois, s’accompagnant d’un vieux grimoire contant la quête d’un fier et tendre gentilhomme.

— Moi aussi, tu sais, j’ai pris tant de moulins à vent pour des géants !

— Un jour tout de même, j’ai compris que mes chansons n’y suffiraient pas et c’est trop facile d’aller gueuler que ce n’est pas vrai : je cherchais juste un peu de liberté ! Je repense à ce journaliste qui m’accablait, me reprochant de ne pas penser aux autres lorsque j’ai arrêté mes tours de chant.

Toi seul, chevalier à la triste figure peut comprendre, toi seul peut m’entendre, toi dont je croise maintenant le regard familier au fond de mon miroir.

Parcourir le monde. Envie de vivre, de recevoir, de donner d’autres choses, mais autrement, juste vivre pour un court moment. D’aucuns ne l’ont pas compris : c’était un autre combat, pas une fuite, pas un caprice de star enrichie.

Même toi, tu as fini par envahir ma vie et me priver de liberté. J’ai voulu te ressembler, j’ai sué ma passion, j’ai laissé cheveux longs et barbe grisonnante me manger les tempes, je me suis comme toi paré d’une armure et j’ai utilisé mes tripes et ma voix plutôt que mon épée pour hurler les injustices et te ressembler.

– Ce ne sont que des « au revoir » qu´on lance à la ronde parce qu´on croit devoir. Tu as raison, Grand Jacques, ce qu´il nous faut, ce sont des chansons que le matin mettra sur nos lèvres.

— Dis-moi, pauvre hidalgo qui n’a plus que moi pour converser, ton maigre bidet Rossinante et ton joyeux compagnon Sancho ne te manquent-ils pas, eux qui ont fait de toi le chevalier errant parti combattre pour protéger les opprimés ? L’ami Jojo et l’ami Pierre me manquent tellement…

Simple troubadour, j’aurais voulu offrir l’amour en prière pour les maux de la Terre, habiller matin pauvres et malandrins de manteaux de velours. Mais tout cela faisait rire les honnêtes gens, va ! Je n’avais plus que l’amour pour vivre mes promesses, pour couvrir de soleil la laideur des faubourgs.

Je n’avais que mes chansons pour parler aux canons, pour convaincre les tambours. J’ai cherché à forcer le destin à chaque carrefour, partant voguer, partant voler : je n’étais même pas soldat.

Timide, comme toi, un soir d’audace, devant ma glace, rêvant d’espace, j’ai mis ma cuirasse.

— Tes romans picaresques, l’histoire de ta vie romanesque, nous ont accompagnés tous deux à travers notre courte quête. Comme toi, j’aurais voulu être désespéré avec élégance.

— Je n’ai pas fait semblant… c’eut été trop facile… Comme toi pauvre gentilhomme, j’ai voulu combattre le mal et protéger les opprimés ; tu l’as fait avec tes discours et avec ton épée dans le vent, mais aucun rêve jamais ne mérite une guerre. Moi pauvre poète, amoureux en chansons, je l’ai fait avec mes refrains et cela faisait rire les honnêtes gens. Qu’avons-nous fait bonnes gens dites-moi de la bonté du monde ? Alors, j’ai voulu moi aussi me faire chevalier errant, à la recherche d’aventures, à la recherche de liberté, navigateur errant, aviateur à la rescousse des isolés.

Ton armure t’embarrassait, mon corps m’embarrassait. J’étais fasciné par ton personnage, séduit par ta manière de traiter l’ennemi, séduit par ton anachronisme. J’ai tout vu en toi, la tendresse, la plus belle des valeurs, ton refus d’accepter la réalité.

— Oui mais j’ai été ridicule à ne pas vouloir voir ces moulins !

— Si je t’assure : ton Espagne, mes Flandres, ton idéal chevaleresque et ta critique sociale, justicier irraisonné, et autoproclamé, nous sommes bien semblables. Ce n’est pas le chevalier de la Blanche Lune qui m’a vaincu, ce n’est point légion, c’est lésion.

— Nous avons tous deux retrouvé raison, même si nous n’aimons point les réveils de notre cœur déjà vieux. Maintenant, il nous faut regarder l´ami qu´on sait fidèle.

— Tu as rêvé l’inaccessible étoile, maintenant nous errons tous deux, compagnons d’armes, à sa recherche. Les pieds dans le ruisseau céleste, anges déchus qui valsent à mille temps, priant
Saint-Pierre, heureux, c’est comme ça, il nous faut regarder. Peut-être ne sommes nous pas morts en nous trompant.

 — C´est comme ça depuis que le monde tourne. Il n’y a rien à faire pour y changer.

 — Pourtant, pour un peu de tendresse, je changerais de visage, je changerais d´ivresse, je changerais de langage.

 — Tais-toi donc Grand Jacques, tu connais tout de la poésie et tu dis tout de l’amour.

 — Si notre légende suffit à apporter un peu de tendresse, alors laissons les hommes y piocher cette richesse. »

 « Nous voilà avec un nouvel éplucheur de mots !», marmonne Sancho.

Exercice d’écriture : fiction librement inspirée des chansons et de la « légende » de Jacques Brel et de l’histoire de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Mancha de Miguel Cervantes                                                                                                                        © IJogd 26-03-2013

AUTOMATE MIKE

Le fusil

Sous Brejnev, Automate Mike est un homme d’âge mûr. Il aime la chasse. Automate Mike possède un Baïkal MP-43 juxtaposé calibre 12. Le MP-43 d’Automate Mike sort des usines ijevskiennes de mécanique, à Ijevsk, capitale de la république d’Oudmourtie, qui se trouve à seize heures de route de Moscou par la M7, en roulant vers l’est. Le MP-43 est un bon fusil. Automate Mike aime le bloc de culasse et le pontet sans ornement ni fioritures, il aime nourrir d’huile d’amande douce la crosse en loupe de noyer.
Lorsqu’Automate Mike entend un bruit (un ours, peut-être — non — un orignal de mille livres), il épaule, vise et tire d’un seul et même mouvement fluide. Le MP-43 d’Automate Mike est un bon fusil. Automate Mike est un camarade puissant. Il porte un chapeau tyrolien gris en feutre de laine avec galon tressé et un petit bord relevé sur l’arrière et baissé devant.
Automate Mike chasse la sauvagine et le gros gibier dans la forêt. Il chausse de belles bottes impeccablement graissées. Sa vieille veste de pilote de char est fatiguée aux coudes et aux poignets. Il porte un polo sombre à quatre boutons de nacre, avec deux liserés blancs sur le col. D’une main ferme, il tient une corne de chasse en laiton et la chaîne de son chien, un fox-terrier à poil lisse.
Automate Mike sourit. Deux fossettes creusent les joues juste au-dessus de la commissure des lèvres. Il flatte le fox-terrier à poil lisse, brave bête, dit-il, lààà, tu l’aimes ton maître Automate Mike.
Le fox-terrier ressemble à un cheval de chasse au dos court. La mâchoire du fox-terrier est forte, sans être massive. Automate Mike dit : bon chien, va fouiller les broussailles, va débusquer la bête.
Automate Mike aime le chien autant que le Baïkal MP-43 juxtaposé calibre 12. Aussi, Automate Mike a-t-il donné le nom de Baïkal à son fox-terrier à poil lisse. Avec les deux Baïkal, Automate Mike est un homme heureux dans la forêt de résineux.

Vermeer

Micha habite un petit appartement surchargé de bibelots dans la ville d’Ijevsk. La ville d’Ijevsk a été brièvement rebaptisée Oustinov, entre 1984 et 1987, du nom de Dmitri Fiodorovitch Oustinov, le grand ordonnateur de l’invasion de l’Afghanistan en soixante-dix-neuf.
Micha aime Vermeer. Micha n’est jamais allé à Delft. Micha est né dans le kraï de l’Altaï qui se trouve au sud-ouest du District fédéral sibérien, dont la capitale est Novossibirsk. Novossibirsk se trouve à deux jours et deux nuits de route de Moscou en roulant sans s’arrêter, toujours vers l’est, sur la M7 puis sur la M51. Il y a beaucoup d’eau dans le kraï, il y a des forêts giboyeuses, des lacs poissonneux, des rivières aux eaux claires, il y a l’Ob, la Biia, la Katoun, la Tchoumych, l’Aleï et la Tcharych. L’Ob est une autoroute liquide longue de plus de cinq mille kilomètres.
Micha. La mère l’appelait ainsi.
Lui, secrètement, il s’appelle Automate Mike. Un secret qu’il garde enfoui en son cœur sous les deux étoiles d’or de Héros du travail socialiste.
En 1930, les koulaks récalcitrent au plan quinquennal. Le camarade Staline décrète : il faut dékoulakiser ! Le camarade Staline a le sens de l’humour, il dit au camarade Iejov, chef du NKVD : les koulaks au goulag ! Hop, deux millions de koulaks en moins. Les paysans aux camps, crie Staline en se tordant de rire. Micha est déporté avec la mère, le père et les dix-huit frères et sœurs. En Sibérie. Mais Micha aime le camarade Staline. Micha aime Vermeer, aussi. Mais beaucoup plus tard. Ce sera après le Goulag antikoulak, après la bataille de Briansk qui se trouve à cinq heures de route de Moscou, quand on roule vers le nord-est par la M3.
À Briansk, Micha est sergent. Il surgit de la forêt dans un char T-34 et pulvérise les Panzers nazis qui foncent sur Moscou. Micha est blessé. À l’hôpital, Micha dessine des pistolets. Pour passer le temps. Les pistolets, Micha les connaît mieux que Vermeer. Il a déjà amélioré le Tokarev, le pistolet semi-automatique de l’Armée rouge. Une arme rustique inspirée du Colt américain modèle 1911 et du Mauser allemand C96. Une arme précise, puissante et simple. Une arme presque aussi belle qu’un Vermeer.

Edwin Beard Budding

Dans l’oblast de Briansk, les soldats rouges sulfatent à la papacha. La papacha est un PPSh-41 : un pistolet-mitrailleur à la cadence de tir épatante de neuf cents coups par minute, quinze balles par seconde, trois bastos en deux dixièmes de seconde.
Mais voilà, dans l’oblast de Briansk, Micha déchante : la bonne vieille papacha c’est du pipi de chat à côté des Sturmgewehr 44 allemands. Dans son lit d’hôpital, Micha dessine. Le sergent blessé dessine un petit flingot, un truc tout con tout simple qu’il montre au camarade maréchal artilleur Voronov.
Alors Micha est promu sergent-chef. Il bosse à plein temps sur son dessin de pistolet automatique tout con tout simple. Micha a vingt-huit ans. Il a le front haut et dégagé, ses cheveux sont lisses et peignés en arrière, un peu comme un Chinois. Un ceinturon de cuir plaque, sur ses hanches solides de sergent-chef, une belle tunique neuve boutonnée jusqu’au cou. Le dessin tout con tout simple est posé sur une belle table à tracer et devient cent millions d’Avtomat Kalachnikova 1947, cent millions de fois abrégé en AK47. Le dessin tout con tout simple abrège soudain la vie de millions de gens partout sur la planète.
Dans son petit appartement de la république d’Oudmourtie, Automate Mike dit aux journalistes : « Je préférerais avoir inventé une machine que les gens peuvent utiliser et qui aiderait des fermiers dans leur travail… par exemple, une tondeuse. ». Automate Mike se rêve en Edwin Beard Budding, un type né à Stroud.
Stroud est à deux heures de route de Londres en roulant vers l’est par la M40. En 1830, Edwin Beard Budding visite une manufacture de draps. Il est fasciné par les tondeuses à forces hélicoïdes qui égalisent le drap de laine après l’opération de cardage. C’est formidable, lui dit son hôte, les tondeuses à forces hélicoïdes effectuent le travail de soixante tondeurs !
Ed rentre chez lui à Thrupp qui se trouve à cinq minutes au sud de Stroud et miniaturise les forces hélicoïdes. Il invente la tondeuse à gazon. Les lames hélicoïdales coupent l’herbe en même temps qu’elles la rejettent sur les côtés. La première tondeuse électrique sera inventée en 1958, mais pas par Automate Mike.

Tout ce qui est utile est simple

Sous le Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique Leonid Brejnev, Automate Mike est élevé au grade universitaire de docteur es sciences et techniques.
Automate Mike a cinquante-deux ans. Il porte une cravate club large et courte, à bandes sombres et claires, un veston mi-saison à trois boutons. Il est débout, le menton haut, les cheveux gris coiffés en arrière, un peu plus longs maintenant — et le camarade Lénine le regarde.
Les traits du camarade Lénine sont dessinés dans le plus pur style réaliste socialiste, avec de jolis yeux noisette et un cou musculeux. Le portrait de Lénine est accroché sur un rideau rouge au drapé empesé.
Automate Mike parle, debout sur une estrade, derrière une table recouverte d’une nappe blanche. À main gauche, il y a une belle jeune femme en costume traditionnel russe, elle porte des lunettes, elle a l’air de s’ennuyer, la cocotte. Sur la droite de Micha, il y a une opulente dame à la chevelure ouatée, ses avant-bras sont nus et larges. Ses yeux sont perdus et noisette, son cou est large, dans le plus pur style réaliste socialiste. Micha remercie l’Union des républiques socialistes soviétiques et le camarade secrétaire général Brejnev.
Puis, Automate Mike fait une courte pause. La jeune femme redresse la tête et réajuste sa frange. L’opulente camarade remet de l’ordre dans les fleurs, des tulipes rouges, des tulipes jaunes et roses.
Automate Mike va livrer sa pensée profonde. L’héroïque tankiste de Briansk (à cet instant, Micha, en son for intérieur, est troublé : ce titre de docteur es sciences et techniques, ne l’a-t-il pas usurpé ? Ne doit-il pas tout, en vérité, à l’ingénieur teuton Hugo Schmeisser, le père du Sturmgewehr 44, qui fut déporté pour l’assister lui et ses dessins de pistolets ?) observe la salle sous le regard tutélaire du camarade Lénine.
Alors Automate Mike dit : « Quelque chose de complexe n’est pas utile et tout ce qui est utile est simple. ». L’opulente camarade acquiesce. Le mouvement forme un double menton. La belle camarade dans son costume traditionnel russe acquiesce.
Alors, Automate Mike oublie Hugo Schmeisser et le Sturmgewehr 44. Automate Mike pense à Edwin Beard Budding, le gars de Stroud. Alors, Automate Mike écarte les tulipes. D’un seul et même mouvement fluide, Automate Mike brandit une clé à molette.
Ceci, dit-il, est une clé à molette, c’est simple et c’est très utile ! La foule se met à rire, un peu gênée. La clé à molette est l’invention d’un Anglais né à Stroud. Ce n’est vraiment pas un bon exemple, pense le commissaire politique dont nul ici n’ignore l’identité, pourquoi Micha n’a-t-il pas parlé du fusil des usines Izhmash, près du lac d’Ijevsk ?

Izhmash

Les usines Izhmash, près d’Ijevsk, forment un immense complexe gris de dizaines et de dizaines de hangars, au bord du lac d’Ijevsk. Les usines Izhmash fabriquent des machines-outils, des compteurs à gaz, des serrures de sécurité pour armes à feu, des serrures de contact pour automobiles, des winchs, des fraises de dentiste, des couteaux de cuisine, mais aussi des fusils d’assaut, des lance-grenades, des fusils à lunette, des mitraillettes, des armes de poing, des canons antiaériens, des fusils de chasse, des armes blanches pour combat rapproché, des missiles, des radars et des armes de tir sportif.
Automate Mike a quatre-vingt-treize ans. Il a pris sa retraite de général. Automate Mike n’a jamais gagné un kopeck avec son AK47. Une kalach se négocie autour de cinq cents euros en France, mais seule une kalach sur dix vendue dans le monde sort des usines Izhmash, sur la rive sud du lac d’Ijevsk. L’armée russe n’achète plus d’AK. L’AK n’est plus à la mode.
Automate Mike dit : « Je n’ai pas inventé cette arme dans un but lucratif mais uniquement pour défendre notre mère patrie à une époque où elle en avait besoin. Si je pouvais revenir en arrière je referais les mêmes choses et je vivrais de la même manière. J’ai travaillé toute ma vie, ma vie c’est le travail. ».
Automate Mike regarde les bibelots de son appartement. Automate Mike regarde ses Vermeer et pense à Edwin Beard Budding, le type de Stroud.
Automate Mike regarde son vieux Baïkal MP-43 juxtaposé calibre 12. Automate Mike pense au fidèle fox-terrier Baïkal qui savait si bien fouiller les broussailles.

KORVOWICZ

_____________________________________________Seuil

Des moments difficiles où il faut passer pour passer le cap quand ça marche pas le dire à haute voix.

Je n’ai pas pris ma décision, je pensais tout simplement.

Cette vieille dame dans le genre rock’n’roll, j’aime bien et j’aime bien aussi l’histoire de sa famille.

J’aimais bien cette idée un peu lente, c’est un lien moche en plastique bien moche, ça m’est revenu…

Intéressant !

Décider.

Ce soir comme ça si vous avez des questions ou pourquoi pas mélanger les deux et c’est vrai que se confronter…

Je ne sais pas trop passer le week-end dessus.

Timing.

Je vais retourner ça, je ne sais pas ça t’intéresse après, en chantant, c’était un thème fréquent et encore parfois exalté, révolutionnaire, contre toute forme de despotisme, pour la toute première fois exécuté…

Salut !

Son exécution composée, qualifiée et exécutée immédiatement, c’est souvent une pirouette, ça ressemble toujours à vivre un peu de soi-même.

« Prolonger ne vaut jamais grand-chose que l’on prolonge.

— A-t-il avancé ?

— Un peu de loin…

— Tu vois ?

— Non c’est bon.

— Justement !

— de la contrainte ?

— Mais…

— Je ne sais pas, c’est un peu flou.

— Oui, un mélange chaotique.

— Cacher son côté un peu difficile.

— Il repart dans sa vie hyper active.

— Dès le départ.

— Tu as tous les droits. »

Eux quand ils font, c’est un choc !

J’aime beaucoup.

Il n’explique pas, ça devient normal, ça coule de source.

On peut avoir tendance à dire : « Ah merde ! »

Davantage se poser la question : « Pourquoi ? »

Pour le trajet, c’est une suite d’événements dans le temps imparti.

Qu’est-ce qui peut se passer ?

Sentimentalement ?

Quelle forme ?

Peut-être changer de focale.

Le moment où la déformation.

La question que je m’étais posée comme « quoi ? »

Enrichissement personnel ; le plus décoré de partout de là jusque là, c’est comme ça qu’ils font des abdos.

Un point de départ à prendre.

La machine à écrire très efficace, très belle…

J’aurais préféré sur la fin.

Je ne sais pas.

Ne pas hésiter.

Devoir choisir.

Ça peut être aussi assez drôle.

L’inscription temporelle.

« On part alors ?

— Oui sûrement.

— Comment on attaque ça ?

— Choisir…

— Il est là ! »

C’est une donnée à prendre en compte, pour ne pas sauter des étapes, c’est très libre.

Je ramène une valise, heureusement que j’en ai une !

Vers la fin c’est un autoportrait.

Ça part, c’est personnel.

La temporalité de l’histoire, il ne faut pas en faire l’impasse des émotions.

Ce contexte, le fait qu’il raconte son périple, c’est narratif. Il y a un cheminement, un tronçon de la frise.

Je ne sais pas où je vais mais bon… Des rebondissements, des personnages chic, ça roule !

C’est d’héroïser la marginalité.

Je ne sais pas.

C’était horrible !

C’est une sorte de croque-mitaine, c’est ça qui est malin !

Il confère l’histoire, un refus de manière évidente, critique antidécisive.

Pourquoi s’attacher et prendre des armes ?

Je dis.

J’ai recherché.

C’est ce qui fout le bordel.

Je deviens le choix pas innocent.

J’expérimente l’équilibre : le paysage sombre.

C’est abouti.

Ne rien demander à personne.

Grande espérance : l’économie des rapports, c’est assez dur, mélodramatique presque comique,

Il joue « la plupart des gens sont ce qu’ils ressentent »

Il surgit !

Il est troué.

Les limites radicales et fondamentales : c’est un écho !

Il est fou.

Il est lecture active.

Il avorte.

C’est un chien qui est étranger qui ne connaît pas, il est incorrect pour mieux s’affirmer, il voulait, il retrouve, il remplace, il réinvestit, il trouve sa forme.

Les rapports.

Une des formes.

Entouré.

Explique vraiment avec un coloriage.

Un des problèmes posé par lui.

C’est la nuit.

Il faut réussir à contourner le problème imposé.

Copier-coller.

La répétition, la peur : Perdu/Petite/Esquisse/Stabilisante.

Saute !

Accélère !

Chaos.

Instant.

Sur le champ.

Le retour rassure crée une chronologie, le temps est une obsession, contre le temps particulier.

Regarde.

Dans cinq minutes on regarde où l’on en est !

Flottante.

Histoire qui passe, réaménage.

Ni exposé.

C’est intéressant.

Aujourd’hui ailleurs à cinq heures, cinq heures et demie.

« Rentré pas trop tard !

— Débriefe ?

— Bien avancé !

— Un gros pavé ?

— Il est davantage connu. »

À la fin de la dernière phrase, son incursion est naturelle mais pas pénible.

Voilà !

Voilà !

Assez rigolo, la contrainte sert à se libérer et du renouveau formel, il faut changer mais systématiquement.

« Ça va ?

— Oui j’hallucine, je réfléchis, je suis à fond. »

Il pouvait donner ce qu’il voulait.

On avait envie. On avait dit stop.

« Tu es sérieuse ?

— Quoi ?

— Ça suffit ?

C’est parti… À ma place, ce n’est pas facile, ce n’est pas gravissime, c’est surprenant.

Première nouvelle.

C’est une grosse déception, ça fait mal.

La surprise.

Je ne sais pas faire…

Il y a d’abord.

J’ai l’impression.

Une chose originale, c’est bien vu.

Il connaît la raison.

Je ne le contredis pas c’est surtout un professionnel.

Il est revenu.

Les critiques.

Il est bienveillant. Il existe.

J’ai envie de le protéger. J’avais tort.

C’est un sujet de discorde. C’est la revanche.

Vous avez été méchant avec lui et pourtant il n’était plus là.

J’espère que je vais partir. J’étais touché.

Il faut qu’il vienne c’est international.

Devienne le parrain… Ça me touche beaucoup.

: « Qui veut un café ?

— Bonsoir.

— Merci d’être là.

— Vous n’avez pas trouvé ?

— Non.

— Je reçois des lettres… J’ai fait une nouvelle page… Je l’ai rencontré avec tes conneries.

— Au téléphone ?

— Est-ce que…

— C’est vrai ?

— Je n’ai plus de terre.

— Ils partent en vacances ?

— … C’est touchant.

— J’aimais… »

Le pré est vide.

« Vous pensez.

(Détendre.)

— Un bon moment, c’est vrai donc ça arrive à tout le monde ?

— Voilà.

— Attention ça change la vie.

— Ce n’est pas si mal.

— Vous êtes chochotte.

— Qu’est-ce que tu as dit ?

(Dépasser toutes les bornes.)

— Moi aussi j’entends tout. »

Le soleil a fini par se lever, « Regarde là-bas ! »

Tu dois le battre c’est important, c’est à cet instant qui a beaucoup d’importance, qui aura lieu.

Vous avez oublié.

Il essaie de gagner du temps, il le connaît très bien, une victoire très chèrement gagnée.

Il n’y a qu’un seul « e ».

Pourquoi je me suis imaginé que ça en valait le détour ?

On se modifie.

Un prédateur le guette.

Ce n’est pas un gamin. C’est l’heure de la piqûre. C’est cinquante euros.

OK j’arrive.

Et pourquoi tu le quittes ?

Irrésistiblement, au royaume tout s’achète dans ce contexte. Ça fait souvent partie des expériences propres, il entrave et teste les capacités.

Un problème en soi, c’est né d’une collaboration, des installations affectées, une ligne posée sur le fond, c’est un autre monde. Ici. Tout de suite, il aime les voitures et veut participer au départ d’un rallye qui va avoir lieu dans deux jours.

À destination de Montpellier partira à quatorze heures voie B.

Est-ce si rose ?

Tout est bon jusqu’où ira le pire, tout doit être un événement.

Je n’ai pas trop confiance. Je contrôle c’est mon plaisir à moi.

On est dans trente pays. Elle me permet de vivre une vie.

Se remettre en question et tout le monde avec.

Il en a marre.

Mon rêve et j’adore.

Magnifique.

Tout est préparé pour demain. Je suis angoissée. C’est normal. J’espère. Ça va ? Je suis prête. Non je m’en fous.

Un peu d’eau fraîche. Je viens alors. On va voir. Tout.

C’est moi de a à z.

Ça ne devrait pas trop tarder. Ils ont un cerveau parce que ce sont des êtres humains. Des fois, je m’emporte. Je n’ai pas envie de ruiner. Dans le passé, je ne suis pas mal à l’aise au contraire.

Je me sens bien seule.

On ne décide pas.

Très intense.

Il vous offrira un délice pour les yeux.

Je suis vide.

À l’intérieur, un vieux qui répond. À notre époque il est tout dans son rapport au mot. Ce qui entraîne la mort. Où est ta valve ?

Elle l’aime. Lui dit tout pareil. Un ersatz de survie.

La superbe scène d’envoi. Un regonflage. Un souffle au cœur éprouvé et compassion.

Vivante. Vivante.

Vieillir et mourir.

Jet de pompe qui dégonflait à jamais.

Bienvenue avec classe.

Relax.

Tout ira bien.

J’aime bien les couleurs, les fleurs, j’adore pour ça, il m’a fait venir ici.

Tout brille, ça met du temps mon rêve.

Aujourd’hui, je suis prise dans un business, il ne faut pas avoir peur de foncer, et j’ai un souci, il faut être forte ; tout est possible.

Ce soir, je suis curieuse : « Comment ça va se passer ?

— Ça se passe bien.

— Un peu perdu ?

— Je crois que…

— C’est le problème…

— Il fait froid…

— Merci pour cette invitation !

— Je peux me tromper.

— On ne peut pas faire plaisir à tout le monde. »

Il a toujours aimé l’image depuis que je suis jeune.

« Tu ne peux pas te séparer de moi !

— Oh ça va ! »

Il ne faut plus répondre, ça va aller nulle part.

Tu vas voir la différence. Hello !

Un autre personnage, ouais, je ne savais pas que ç’avait été fait ça permet de faire une traversée à haute voix.

À Londres, deux reprises avec sa mère, il a pris conscience assez tôt, éveil brutal, consciemment, une seconde fois, seul avec lui, une mère de substitution, il entend une sorte de mélange, un traumatisme, pourquoi ? Mourir avec eux, ça lui ferme les portes, c’est un avatar, obligé de renoncer, renvoyer l’échec.

Un visage d’enfant, un couple contrasté, une forte personnalité, père et fils.

Il porte vraiment la fusion, son corps, son visage, l’enthousiasme à seize ans.

Le goût pour ces livres, un comptable et sa vie, qui n’est pas sympathique. Il décide dans le roman. Le pied décide de son destin. Attention à la prédiction dans le livre.

Énorme.

Euh.

Genre.

Euh.

On the Beach, les éléments visuels avec une Muriel.

Euh.

On en a marre.

Bref.

Son premier : C’est le nom.

Un deuxième : En mille neuf cent soixante-trois.

Un peu vague, comment il a commencé ?

Un genre différent de « En stop ».

Où.

Etc.

Il transforme, pose les bases, un mélange de fiction, mais en même temps, il veut, il cherche une vérité, ça passe à travers comme personne, comme personnage, la vérité, la forme ; c’est une forme qui évolue pour lui. La vie change, s’adapter à la boîte ; la conscience linéaire, une pensée, s’attacher à l’iconoclasme incontournable. Une raison formelle un courrier, c’est comme ça. Ce n’est pas là où l’on voit le mieux formel donc voilà.

Colonne de gauche, à droite.

Ça peut conduire au mensonge, une envolée coupée, ça s’envole un peu, c’est clair.

C’est très drôle.

Une mini-jupe.

Minimum.

Euh.

On pourrait dire.

Au début, il évoque en soixante-six, un projet intérieur de sa conscience, à partir de là, hors contraste, toujours penser, se battre.

Je parlais de « Voilà pas lui », il s’est battu et du coup ça a marché et là.

Là, il passe son temps, il travaille son premier en soixante-sept.

Celui-ci.

On tombe dessus à l’hôpital, à l’école, il commence à se mettre des épines en choses coriaces à tuer et pas permutables.

Argument

Entre le 15 et le 20 mars 2013, nous avons effectué un workshop de création littéraire avec les étudiants de master 1 de création littéraire des écoles d’art du Havre et de Rouen, à l’invitation de Béatrice Cussol, professeur à l’école d’art de Rouen.

Outre des exercices ponctuels permettant d’aborder les contraintes formelles, nous avons abordé – à la suite de la présentation de mes livres Fonction Elvis et Soliste – la question de l’icône, du héros. Les étudiants ont ainsi choisi leur personnage iconique pour en écrire la geste à leur manière. À l’issue de ces journées enrichissantes et pour poursuivre le travail, nous avons choisi de mettre en ligne ces textes, confiés à cette interface collective et numérique nommée : We always need another hero.

Voici donc une étape, à mi-chemin du parcours du master.

Bonne lecture !

Laure Limongi